Inutile
de chipoter, La Revanche d'une blonde est le meilleur film de
Reese Witherspoon. On pourra toujours prétendre qu’elle a
amplement mérité son Oscar pour Walk the line, vous savez ce
biopic si gentil sur Johnny Cash (mieux vaut voir Walk hard the
Dewey Cox Story), mais son vrai rôle génial est celui de Elle
Woods. Elle, un prénom donné tel quel, pas le diminutif de
Elizabeth ou Elaine, juste Elle : la Femme, Elle : la
blonde de cinéma. Son nom complet sonne Hollywood, il n'en faut pas
plus pour faire du film une fable sur la place des actrices blondes.
« J'ai
conseillé Cameron Diaz de ne pas acheter un pull angora »,
voilà l'argument massue que Elle donne dans sa vidéo de candidature
pour entrer à Harvard. Jusqu'à présent, Elle Woods était la
présidente de la sororité Delta Nu sur un campus californien, un
campus comme les films de campus en montrent régulièrement avec ses
corps similaires, les étudiants mâles sont des sportifs beefcake en
short arborant leur pectoraux en public et les femelles sont des
bimbos blondes toutes minces qui se promènent en petite tenue dans
la demeure Delta Nu.
L'horizon
de ces demoiselles est tout tracé et celui de Elle plus encore. Son
objectif : épouser Warren (Mathew Davis) son petit ami, jeune,
beau et riche. Toutes les « sœurs » de Elle attendent ce
soir où Warren va la demander en mariage. Ce soir-là arrive enfin,
ils sont au restaurant tous les deux mais là, Warren rompt avec elle
« si je veux devenir sénateur à 30 ans, j'ai besoin d'une
Jackie, pas d'une Marilyn ». Le père de Elle, verre de Martini
à la main, ton d'oisif, au bord de la piscine, ne lui dit d'ailleurs
pas autre chose. La blonde californienne est superficielle et
destinée au mariage.
Aujourd'hui,
pour faire un film sur le sexisme, sur la discrimination à
l'embauche, sur les clichés sur les blondes, Hollywood ferait sans
doute un film social de 2h20 extrêmement édifiant, en 2001, il
faisait des comédies et La Revanche d'une blonde n'est pas
sans rappeler American girls où Kirsten Dunst devenait chef
des pom-pom girls. Pour Elle Woods, le passage du soleil californien
à Harvard et ses murs de lierre. Son arrivée dans l'université de
l'ivy league ne passe pas
inaperçue, elle n'a pas encore troqué ses robes roses courtes pour
les tailleurs noirs.
Warren
est désormais fiancé à Vivian (Selma Blair) la « Jackie »
qu'il s'est trouvée à Harvard, amatrice de tailleurs gris ou noirs,
brune à la franche sinistre et adversaire de Elle. La transition
entre la couleur et le noir passe par des étapes de miroirs où le
cinéaste renvoie Vivian et Elle à leur opposition, leur
contradiction, leur image (belle scène d'ascenseur où les portent
se referment après une dispute entre les deux femmes, leur visage
semblent se refléter l'un après l'autre comme un écho), avec ce
pivot qu'est Warren, simple trait d'union entre les deux femmes.
Cette
touche de couleur au milieu de l'amphithéâtre universitaire dans le
cour de la Professeure Stromwell (Holland Taylor) correspond à ces
minorités quelles qu'elles soient qui ne cessent de lutter pour leur
représentativité. Je rappelle que La Revanche d'une blonde
est une fable et pas un pamphlet politique, c'est sans doute pour
cela qu'il se permet d'aller plus loin dans la critique joyeuse et
dans l'affrontement entre la brune et la blonde, entre Vivian et
Elle, entre la facétie et le sérieux, entre l'est et l'ouest, entre
la Californie et la Nouvelle Angleterre.
Regarder
La Revanche d'une blonde aujourd'hui prend une tournure plus
acerbe par rapport au scandale Harvey Weinstein (qui n'aurait donc
jamais voulu produire ce film). Callahan (Victor Garber), l'un des
profs de Elle lui promet une ascension rapide dans son cabinet si
elle se laisse séduire. Vivian accuse Elle d'avoir accepté cet
arrangement. Vivian est elle-même victime du sexisme de Callahan,
c'est chaque fois à Vivian qu'il demande d'aller chercher du café.
Comme avec Warren, Callahan est l'obstacle entre l'unité de Elle et
Vivian.
Je
ne veux pas trop raconter le film que je juge magnifique et bourré
de scènes fameuses, celles au salon de manucure avec la complexée
Paulette (Jennifer Coolidge), le quiproquo avec Emmett (Luke Wilson)
et la soirée de Vivian où Elle arrive en Bunny. Le meilleur du film
est dans le procès final merveille de construction dramatique et
comique. Je reviens à ce que je disais plus haut, rien que pour
cette scène de plaidoirie au sujet de chaussures Prada, d'une
permanente sur des cheveux bouclés et de Raquel Welch, Reese
Witherspoon aurait mérité largement un Oscar de la meilleure
actrice.
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