J'avais
commencé ma rétrospective David Cronenberg par un court-métrage
Caméra, je la termine par un autre court-métrage Le
Suicide du Dernier Juif du monde dans le dernier cinéma du monde,
un titre très long pour un film très bref conçu pour le 60ème
Festival de Cannes (la compilation Chacun son cinéma). David
Cronenberg, veste noire sur la peau, est devant la caméra, son buste
occupe tout l'espace, tout juste aperçoit-on derrière lui des
toilettes recouvertes d'éléments disparates. Plan unique et fixe
sur le cinéaste à l'air fatigué, les yeux hagards, il ne dira pas
un seul mot pendant les à peine 4 minutes du film.
Ce
qui sature la bande son, ce sont les voix de deux commentateurs de la
télévision (Jesse Collins et Gina Clayton), leur ton est
franchement réjoui à l'idée que cet homme, qui manipule d'abord
des balles puis un revolver, va se suicider en direct. En anglais, to
shoot a deux sens, se tirer une balle et filmer, le court-métrage
joue sur cette confusion des sens. Il joue aussi sur la fin des
salles de cinéma (celle où il se trouve sert de dépotoir) et de
l'emprise de la télévision (on remarque le logo en bas) qui vendra
du spectaculaire bon marché, tel le suicide d'un homme. Le film
s'achève, par un fondu au noir, juste avant le geste fatal.
C'est
la première fois dans un film de David Cronenberg qu'un personnage
(lui-même qui plus est) est présenté comme un Juif et le dernier
en l'occurrence. La commentatrice demande « le cinéma a été
inventé par les Juifs ? », son collègue répond « Pas
le cinéma, Hollywood, mais c'est la même chose ». Et ce
cinéma dans lequel il a choisi de mourir aurait été un cinéma
résistant, camouflé en garage (déjà l'idée de Cosmopolis
semblait lui traîner dans la tête) et son propriétaire a été
dénoncé. La démolition de cette salle de cinéma sera diffusée en
prime time, comme les explosions finales dans le cinéma d'action
actuel est le clou du « scénario ».
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