Lutte
de classes. Je ne sais pas si la ressortie de Octobre pour
le centenaire de la révolution russe me pousse à associer Leçon
de classes de Jan Hrebjek avec Pour le réconfort de
Vincent Macaigne, mais je trouve que ces deux films évoquent la
lutte de classes. Leçon de classes se déroule en
Tchécoslovaquie, précisément à Bratislava en Slovaquie (premier
film slovaque que je vois), au début des années 1980, juste après
l'élection de Ronald Reagan et avant l'arrivée de Mikhaïl
Gorbatchev à la tête de l'URSS, une période de glaciation de la
guerre froide où les pays du bloc de l'est étaient dirigés par des
vieillards.
Le
cadre est un collège où une nouvelle enseignante, membre du Parti
communiste, fait sa rentrée. Dès sa première apparition et son
premier cours, elle en impose et petit à petit, le pouvoir qu'elle
va exercer sur les élèves, franchement terrorisés, comme sur leurs
parents, conscients du danger de ne pas désobéir aux requêtes de
la professeure crée une tension qui va crescendo. Elle s'arroge le
droit de demander des faveurs à tous grâce une rhétorique bien
huilée. Elle fait en sorte que les services qu'elle demande (aider à
faire des courses, des travaux, se faire coiffer gratuitement et des
faveurs sexuelles) paraissent venir de ceux à qui elle s'adresse.
C'est
toute la mécanique du totalitarisme à petite échelle que le
cinéaste décortique, cette mécanique passe par la corruption, le
mensonge, l'intimidation que le petit pouvoir de cette enseignante
possède par le seul fait de sa carte au Parti. Le film est construit
en deux temps, une réunion des parents d'élèves prend l'allure de
12 hommes en colère, un parent d'élève doit convaincre les
autres parents de signer une pétition. En parallèle, la machine à
broyer fait son œuvre. Certes, on pourrait regretter que ce film
arrive 25 ans trop tard, mais il fonctionne pour toutes les
démocraties fallacieuses encore en place dans les anciens pays
socialistes.
Chez
Vincent Macaigne, la lutte des classes à lieu dans la campagne vers
Orléans. Un château au milieu des champs et des forêts voit
revenir ses deux propriétaires. Pauline et Pascal, frère et sœur,
issus d'une famille vaguement aristo, ont dépensé tout l'argent de
l'héritage en allant vivre elle à New-York, lui au Mexique. L'hiver
venu, les voilà fort dépourvus. Bref, ils doivent abandonner leur
vie d'oisiveté pour rentrer dare-dare à Orléans et payer les
traites, comme ils se le disent dans la conversation skype qui ouvre
Pour le réconfort. L'arrivée par des chemins de traverse sur
leur domaine, avec la douce voix de Vincent Macaigne (qui ne joue pas
dans son film) annonce la lutte de classes du film.
Pauline
et Pascal retrouvent leurs anciens amis. Joséphine a utilisé les
champs alentours pour planter des arbres, son compagnon Laurent,
grand béta qui dit tout ce qu'il pense sans restriction, travaille
dans l'EHPAD que dirige Emmanuel, son slogan : « la
vieillesse, c'est l'avenir ». (On remarquera que les
personnages, comme dans le précédent film de Vincent Macaigne
conservent leur vrai prénom.) Tous se connaissent depuis l'enfance
et les premières retrouvailles donnent l'occasion d'un bon gueuleton
dans le château. Puis, l'heure des règlements de compte (puisque
Pauline et Pascal n'ont plus de sou) arrive et c'est Emmanuel qui se
montre le plus virulent.
Le
film, tourné en 1:37, fonctionne par tableaux comme autant de
dialogues entre les différents protagonistes. La haine, d'abord
larvée puis exposée au grand jour, d'Emmanuel à l'encontre de ses
anciens amis (« regarde-moi ces connards » dit-il à
Laurent), son mépris pour les arbres de Joséphine, deviennent plus
cruels au fil du récit. L'acmé de cette aversion a lieu avec
Pascal, dans la voiture d'Emmanuel, aussitôt tempérée par un
étrange pot au cidre dans un champ. Ça n'est rien de dire que
Vincent Macaigne s'est calmé, passant du chaud au froid, quand dans
Ce qu'il restera de nous, en n'appuyant que sur le chaud, il
rendait son court-métrage insupportable.
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