Avec
les sorties de ce mercredi, je suis content à double titre, Brooklyn
yiddish est court et il se déroule à New York. L'affiche
française est cependant mensongère, on voit le personnage principal
Menashe (Menashe Lustig) et son fils Ruben (Ruben Niborski) se
promener dans l'une des rues les plus connues de Brooklyn et au fond
le Pont de Manhattan, l'image est célèbre pour illustrer Il
était une fois en Amérique de Sergio Leone, mais jamais ils ne
se rendent dans ce lieu très touristique de Brooklyn, le quartier
DUMBO (Down Under Manhattan Bridge Overpass).
Le
film se passe dans un quartier un peu plus au sud, le premier plan
observe une rue bondée, que des hommes, tous reconnaissables à leur
tenue spécifiques, chapeau et long manteau noirs, papillotes aux
cheveux, tsitsits accrochés au pantalon. Puis, Menashe se détache
du lot et la caméra le suit. Ce Juif ultra orthodoxe, on le sait,
joue son propre rôle, un veuf forcé de laisser son fils d'une
douzaine d'années à son beau-frère Eizik (Yoel Weisshaus). La
Torah affirme qu'un enfant doit être élevé par un homme et une
femme.
Brooklyn
yiddish est entièrement parlé en yiddish, je crois que je
n'avais jamais vu un film dans cette langue (je me rappelle la
première scène de A serious man des frères Coen). On est
totalement plongé non seulement dans cette langue mais dans cet
univers dont les règles sont presque énigmatiques (l'ablution
matinale, le port du talit, la fête du feu), une approche documentée
mais sans en faire trop, sans appuyer sur les détails. Le cinéaste
Joshua Z. Weinstein vient du documentaire et de la même école que
les frères Safdie.
Menashe
vit dans un petit appartement, pas franchement le luxe, une seule
pièce, une petite table, deux petits lits, un pour lui, l'autre pour
le gamin. Quand le père parvient à voir son fils, c'est rapidement,
au coin d'un parc, sur le chemin de l'école, avant d'aller au
boulot. Menashe bosse dans un commerce kascher, homme à tout faire,
il est caissier, il remplit les rayons, il décharge les paquets, il
passe la serpillière. Son patron le regarde avec dédain et sans
pitié, baissant les yeux comme s'il lui accordait une faveur en
l'employant.
On
ne saura jamais vraiment ce que Ruben veut, s'il préfère vivre avec
son père dans ce studio ou avec son oncle Eizik et sa tante dans
leur bel appartement. Ruben hésite notamment par rapport aux repas,
sa tante prépare des kugels infects (un plat de pommes de terre).
Mais quand son père picole avec ses anciens amis de l'étude
biblique (yechiva), Ruben téléphone à l'oncle et Menashe se fait
engueuler comme un adolescent, suant de grosses gouttes, soulevant
ses lunettes cerclées d'or, balbutiant. Comme son patron, le
beau-frère est impitoyable.
Pour
créer un lien avec son fils, Menashe achète un poussin, ils devront
l'élever tous les deux (le père chante une chanson cocasse sur le
poussin qui deviendra un poulet destiné à finir à la casserole).
Pour pouvoir élever Ruben, il faudrait seulement qu'il trouve une
femme. Il a bien quelques rendez-vous, filmés de manière
drôlatique, où les femmes comprenant qui est le bonhomme,
l'éconduisent sans ménagement. Et quand un ami de Menashe lui
suggère d'épouser sa belle sœur divorcée, il préfère se jeter
sur la vodka.
Ce
qui frappe dans Brooklyn yiddish, c'est la double tonalité.
D'un côté, on est navré du sort que fait subir sa communauté à
Menashe, on parle cru dans le film, on se lance des vérités sans
pincette, d'un autre côté, il accumule les bévues et les gaffes
(retard au bpoulot et à l'école, livraison de poisson qui tombe du
camion, son kugel qui manque d'enflammer l'appartement), cette
maladresse et ce corps encombrant tente de lutter. Cette tendresse
pour son personnage passe par un certain humour et le sourire de
Ruben emporte l'adhésion.
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