Le
train doit partir dans 12 minutes mais cela n'empêche pas le fameux
comédien Saint Clair (Louis Jouvet) de prolonger la dernière scène
du dernier acte. Tout le reste de la troupe a déjà emballé les
costumes et accessoires dans des malles, prête au départ, à
grimper dans le train pour poursuivre la tournée. Notre brillant
dramaturge aux cheveux poivre et sel quitte la troupe. Ses jeunes
collègues comédiennes aimeraient tant le suivre mais il leur
déclare qu'elles ne le peuvent pas, qu'il retourne à un monde de
luxe et mondanité auquel elles n'appartiennent pas.
En
catimini, l'un des accessoiristes explique que Saint Clair ne va pas
vivre dans un château mais à l'Abbaye, une maison de retraite pour
anciens comédiens (eux-mêmes la nomme un asile) dans un village
perdu de Provence. L'Abbaye est le royaume des cabotins, parmi les
règles, une qui leur interdit de donner des représentations tant
qu'ils sont pensionnaires. C'est une pension privée mais au bord de
la faillite, le directeur annoncera au milieu du film que les
comédiens devront rejoindre une maison de retraite normale.
Saint
Clair retrouve des gens, des pairs, des collègues qu'il connaît
bien. Il retrouve son ennemi intime, Marny (Victor Francen), retiré
des planches depuis des années, comédien talentueux mais qui n'a
jamais eu aucun succès public « on ne joue plus Racine
aujourd'hui ». Il retrouve Cabrissade (Michel Simon), facétieux
comédien qui a attendu toute sa vie de pouvoir prendre le premier
rôle dans L'Aiglon, il était le doubleur de Lucien Guitry. Deux
personnages qui ont souffert toute leur vie de l'absence de
reconnaissance public.
Cabrissade
est un joyeux drille, la bête noire de l'intendant parce qu'il ne
respecte aucune règle. En ce jour où débute La
Fin du jour, il est accusé
d'avoir cueilli les fleurs du jardin. Il présente ses excuses au
directeur et promet de ne pas recommencer, mais il ne les a pas
coupées, ce sont les anciennes comédiennes de la pension qui ont
ramassé ces fleurs pour accueillir le bellâtre qu'est Saint Clair,
et en tout premier Madame Tosini (Sylvie) l'une de ses amoureuses
d'antan qui n'a jamais oublié leur romance fugace.
Les
femmes sont le beau souci de Saint Clair et il avait volé jadis
celle de Marny, voilà pourquoi ce dernier voit d'un bien mauvais œil
l'arrivée de ce Don Juan vieillissant mais qui séduit toujours
autant, grâce aux mots, grâce au théâtre, grâce à sa manière
de faire croire aux femmes qu'elles sont son première amour, ces
deux comédiennes qui lui offrent des fleurs l'ont entendu cette
ritournelle et elles sont prêtes, malgré tout le mal qu'il leur a
fait, malgré leur âge, à succomber à nouveau au charme mortifère
de Saint Clair.
Cette
mort qui rôde est celle de cette femme volée à Marny et ce dernier
ne sait pas si elle s'est suicidée lors de cette chasse ou si
c'était un accident de fusil. Plus de 30 ans de questions, de doutes
et de haines. Julien Duvivier donne la réponse quand arrive la jeune
Jeannette (Madeleine Ozeray), serveuse du café où les pensionnaires
viennent se divertir. Elle tombe sous le charme de Saint Clair qui
lui promet monts et merveilles avant de s'enfuir de l'Abbaye pour
filer à Monte Carlo dépenser l'argent de la bague précieuse dont
il a hérité d'une ancienne amoureuse.
Ces
trois comédiens aux carrières différentes mais au destin commun
sont trois solitudes. Chacun tente d'oublier leur triste sort par
différents moyens. Cabrissade trouve refuge dans la sympathie d'un
camp scout, ce sont comme des enfants qu'il n'a jamais eu, Marny ne
vit que dans les souvenirs et Saint Clair s'invente une vie qui
détruit les autres. La Fin du
jour commençait sur un joyeux
ton de comédie (Michel Simon en tête) pour se finir dans une
mélancolie térébrante avec la pièce que vont jouer les comédiens
pour sauver la maison de retraite.
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