Pour
comprendre ce que disaient les Martiens, les deux scientifiques en
blouse blanche de Mars attacks, que jouaient Pierce Brosnan et
Jerzy Skolimowski, avaient une machine tout prête pour traduire. Il
suffisait d'enregistrer le son sur une bande, de la repasser dans la
machine, et hop, ils comprenaient que les visiteurs « venaient
en paix ». Quand les aliens de Premier contact arrivent
sur Terre, une telle machine n'existe pas. Le mot alien, d'ailleurs
est sujet à discussion, car les militaires qui invitent Louise (Amy
Adams) et Ian (Jeremy Renner, au nom en palindrome) nomment les
extra-terrestres différemment. Louise, un peu gênée, un peu
amusée, demandent si on peut les qualifier d'alien.
Le
terme, pour une linguiste, est logique, puisque le langage est la
passion de Louise et son métier. En début de film, on la découvre
en train d'enseigner les langues romanes (en l'occurrence le
portugais) à des étudiants, très clairsemés dans un grand amphi.
La panique commence à s'emparer de la population à l'arrivée des
aliens. Le prologue, en forme de Grand alibi (le film
d'Hitchcock), semble déterminer la séquence où Louise n'agit pas,
reste chez elle jusqu'à l'arrivée du colonel Weber (Forest
Whitaker) qui l'embauche pour traduire la langue des heptapodes,
c'est ainsi que les forces armées appellent les visiteurs de
l'espace intersidéral.
Le
duo décide de nommer les aliens qu'ils rencontrent dans l’œuf de
500 mètres qui flotte (une île flottante) au beau milieu d'un champ
de la campagne américaine, Abbott et Costello, du nom de deux
comiques américains largement oubliés aujourd'hui. Les heptapodes
discutent dans leur environnement, une atmosphère gazeuse et
cotonneuse, un espace éthéré qui les rend quasi invisibles. Mais
il est dommage que l'aspect verdâtre et les tentacules soient si
conformes à de nombreux extra-terrestres vus dans pleins d'autres
films. C'est assez regrettable que l'imaginaire ne soit plus au
rendez-vous pour figurer Abbott et Costello.
Pour
un cinéaste, faire un film sur les extra-terrestres, c'est encore
plus compliqué car Denis Villeneuve doit se confronter à 20 ans
d'invasion, de rencontres du troisième type et d'autres attaques, de
Mars attacks dont je parlais plus haut à Contact de
Robert Zemeckis, The Arrival de David Twohy, Interstellar
mais aussi Men In Black. Le spectateur que je suis, par le
biais du point de vue de Louise, comme c'était déjà le cas de la
protagoniste de Sicario, connaît tous ces films et se love
dans l'imaginaire. Denis Villeneuve choisit parmi toutes les
possibilités pour piocher divers éléments, à la manière d'un
palimpseste et non d'un banal best of.
Là
est l'une des choses les plus excitantes dans Premier contact,
être à la fois en terrain très connu et dans un no man's land
narratif, comme si le cinéaste décidait de remettre à plat les
ingrédients du film d'extra-terrestres. Le meilleur exemple est la
portée divine des heptapodes, évidente mais jamais mentionnée par
les personnages, les chiffres 7 (le nombre de bras) et 12 (le nombre
d’œufs éparpillés sur notre planète) sont des chiffres
limpidement religieux. Et ces cercles, symboles de l'alliance, que
nos deux scientifiques, d'abord en tenue orange, puis avec leurs
propres vêtements, vont déchiffrer (le rôle du mathématicien Ian)
et lire (celui de la linguiste Louise).
J'avoue
avoir pris un réel plaisir à regarder Premier contact, sans
aucun doute parce que j'aime ces histoires d'extra-terrestres, pour
la première fois je trouve un film de Denis Villeneuve passionnant.
Pour une fois, les militaires et les agents de la CIA ne sont pas
stupides (salut Roland Emmerich), les autres pays ont un peu droit de
cité (ça change du centrisme « étasuno-étasunien »).
Ce que j'aime moins est la lumière marron très style à la
Christopher Nolan (mais c'est la mode actuelle du réalisme de la
SF). Quant aux souvenirs de Louise avec sa fille Hannah (un nom en
palindrome) gonflant pendant toute la première partie, ils se
justifient amplement.
PS :
Le film me rappelle aussi un épisode de la série La Quatrième
dimension (The Twilight zone), saison 3 épisode 24 titré
Comment servir l'homme sur des extra-terrestres très
bienveillants et sur la traduction d'un livre laissé par l'un d'eux,
épisode qui a bien évidemment inspiré la série V de
Kenneth Johnson.
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