mercredi 14 décembre 2016

Arrête-moi si tu peux (Steven Spielberg, 2002)

To tell the truth, c'est le nom du jeu télévisé auquel William Abagnale Jr (Leonardo DiCaprio) participe en tout début de film, juste après le fabuleux générique en animation inspiré de La Mort aux trousses. Film sur le mensonge, sur les personnalités multiples, sur la traque à travers les USA (et un peu en France), dès le générique et l'ouverture de Arrête-moi si tu peux, Steven Spielberg annonce le programme, son personnage a été successivement professeur de français dans un lycée, médecin puis avocat, le tout sans aucun diplôme et en usurpant ses identités.

Le but du jeu du film est double et porteur d'enjeu dramatique et de comédie comme rarement le cinéaste n'en a envisagé. Il s'agit de mettre en scène un imposteur tout en le rendant extrêmement sympathique, de montrer comment il se glisse d'un rôle à un autre. Puis c'est le jeu du chat et de la souris auquel les deux adversaires, Frank et Carl Hanratty (Tom Hanks) se livrent pendant un peu plus de deux heures. Carl est un agent du FBI dans la quarantaine, divorcé, plutôt banal et qui va consacrer six ans de sa vie à traquer Frank qui avait 16 ans en 1963.

Mentir est devenu l'activité de Frank. C'est son père (Christopher Walken) qui l'a poussé dans cette manie. Un beau matin, le lendemain de Noël, Frank et son père partent en voiture de leur petite maison bourgeoise du New Jersey pour se rendre à New York. Frank Senior veut convaincre un banquier de lui prêter de l'argent et demande à son fiston de s'habiller comme un chauffeur de limousine et de conduire le véhicule, histoire d'impressionner. Tout sourire l'ado se prête au jeu, à ce rôle et à cette mise en scène.

Le père, ce douloureux problème. Celui de Frank est un piètre homme d'affaires, sa boîte est en faillite. Il divorce de sa mère (Nathalie Baye) qui va se remarier avec le meilleur ami de l'ex (James Brolin), mais le jeune Frank ne pourra jamais accepter ce beau-père. Carl est le père de substitution de Frank, ce dernier l'appelle au téléphone chaque soir de Noël, comme une tradition qui s'établit entre eux que Steven Spielberg filme comme autant de moments comiques qui versent au fil de la conversation vers le drame.

Dans ces mensonges et ces escroqueries, il y a la volonté de réparer le divorce de ses parents. Frank dès qu'il rencontre son père lui demande des nouvelles de sa mère, il croit qu'ils vont se remettre ensemble. La scène dans le restaurant chic où il offre un cadeau coûteux à son père est des plus pathétiques, elle montre Frank totalement hors du monde, complètement dans un monde factice où il pense que le costume fait le professeur, le pilote de ligne ou l'avocat. Mais le costume qui fait le fils a disparu avec le divorce de ses parents.

C'est précisément ce divorce qui lance Frank Jr dans ses personnages. La première fois est traitée sur le ton de la franche comédie. Frank doit intégrer un nouveau lycée. Deux de ses camarades de classe le bousculent et se moquent de son uniforme. Arrivé dans la classe, il profite de l'occasion pour se faire passer pour le prof. Et cela pendant une semaine. « Il a même prévu une sortie scolaire » dit le proviseur dépassé par ce cas où Frank a appris le français à d'autres lycéens. Son père, complice de son fils, sourit à ces facéties.

La grande force du personnage est son adaptabilité, sa manière de se fondre dans le moule. On le voit parfaitement dans la mise en scène de Steven Spielberg quand il le filme en train de se cacher au milieu des hôtesses de l'air en fin de film, tous les flics dépêchés par Carl matent les filles et Frank passe inaperçu. Il en sera de même quand il deviendra médecin dans le sud puis avocat, tout en séduisant une jeune femme coincée (Amy Adams) et s'alliera avec son nouveau père de substitution, le sudiste conservateur qu'incarne Michael Sheen.

Tout comme on sait que Frank mentira dès le début du film, on n'ignore pas que Carl va l'arrêter. La linéarité des 6 ans de la longue poursuite sont coupées par l'arrestation de Frank par Carl. Le film montre avec habileté l'enquête qu'il mène comme une mission, la collection des maigres indices, des méthodes d'escroquerie et de l'identité de l'escroc. Le changement de ton est progressif tandis que Frank est cerné et que Carl reprend la main, mais pas de psychologie de bazar, pas de profiler dans cette histoire de faux où tout est vrai.


























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