Le
mythe américain de la dernière frontière est superbement illustré
dans L'Aventure intérieure, tout comme il l'était 20 ans
plus tôt dans Le Voyage fantastique autre aventure dans
l'infiniment petit. En 1966, Richard Fleischer créait une parabole
sur la guerre froide, des savants allait sauver un agent secret
menacé et devait se méfier d'un espion à l'intérieur de la
capsule. En 1987, Tuck Pendleton (Dennis Quaid) est un soldat tout
droit sorti de L'Etoffe des héros, un pilote qui ne va pas
s'envoler dans l'espace selon la promesse du bouclier de la « guerre
des étoiles » lancée par Ronald Reagan.
Il
s'immisce dans son vaisseau qui ressemble comme deux gouttes d'eau
(ou de sang) à une navette spatiale. Le lancement de la navette
infinitésimale s'est faite comme à Cap Canaveral à la grande
époque de Ronald Reagan, le champion toute catégorie des dépenses
d'état pour les militaires. Dans le corps de son hôte, le vaisseau
de Tuck se déplace en volant. On évoque l'oxygène nécessaire au
voyage. L'univers est neuf, c'est bien une nouvelle frontière dans
laquelle le pilote va s'aventurer. La chair, les muscles et les
veines sont autant de décors fantastiques.
C'est
une plongée dans l'intime le plus profond. Il s'agit d'abord de
découvrir la « beauté intérieure » de son hôte Jack
Putter (Martin Short). C'est ensuite un échange régulier de fluides
entre les deux hommes, Putter pisse en discutant avec Tuck dans les
toilettes, comme s'il causait avec son sexe. Echange de salives où
Tuck glisse dans le corps de sa fiancée et découvre qu'elle est
enceinte. D'une certaine manière, L'Aventure intérieure
invente la vidéo surveillance, Tuck observe tout et entend tout
grâce à une sonde placée sur le nerf optique de Putter.
Dans
le film de Richard Fleischer, Raquel Welsh était la blonde dans la
capsule, dans le film de Joe Dante, Meg Ryan est Lydia Maxwell, la
blonde dans laquelle la capsule de Tuck se glisse. Ils se connaissent
depuis des années et vivent une relation houleuse. Il la pénètre
une nouvelle fois, sans son consentement cette fois, c'est une scène
un peu étrange, tout à la fois un viol de l'intimité, une ultime
découverte de cette ultime frontière et cinématographiquement
l'hommage le plus gonflé à 2001 l'odyssée de l'espace et à
son bébé final.
Joe
Dante a beaucoup de mal à présenter ses personnages, il se perd
dans les renseignements en début de film. La première scène de
Dennis Quaid où il joue un soldat soûl qui détruit la réception
de ses collègues est pénible à regarder tellement il cabotine.
Martin Short n'est pas en reste dans sa première scène où il
incarne un anxieux racontant ses malheurs à son psy, il est un
employé angoissé par ses clientes et notamment celle que joue
Kathleen Freeman, l'une des actrices des films de Jerry Lewis. Les
deux acteurs ne seront dans le même cadre qu'en toute fin de film.
Le
but du jeu de Joe Dante est moins de tourner un film de science
fiction que de filmer deux hommes aux caractères antagonistes qui
vont s'influencer l'un l'autre. Tuck devient le metteur en scène de
la vie de Putter, une fois que le premier a intégré le corps de
l'autre. Cette mise en scène consiste à une direction d'acteur où
Putter doit jouer comme Tuck, un type prétentieux, imbuvable et
inconséquent. Le paroxysme est atteint quand il met Lydia dans les
bras de Putter. Faire de Martin Short acteur comique un personnage
amoureux et de Dennis Quaid jeune premier sexy (d'où la scène de
nu) un personnage émouvant est l'autre enjeu du film.
Dans
ce mouvement d'échange des personnalités, toute une galerie de
figures burlesques et cartoonesques viennent mettre des embûches
dans le parcours de Lydia, Tuck et Putter. La collègue arriviste de
Putter, son patron, un macho pédant surnommé le cowboy, un tueur à
gages, un méchant échappé d'un James Bond, une scientifique qui
veut voler les secrets de la miniaturisation. Tous ces archétypes
sont issus d'univers que le public connaît par cœur. Plus que son
trio de vedettes, ce sont eux que Joe Dante filme avec délectation
pour le plus grand plaisir du spectateur.
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