samedi 10 décembre 2016

Les Looney Tunes passent à l'action (Joe Dante, 2003)

Au beau milieu du film, nos héros Bugs Bunny et Daffy Duck se retrouvent au Louvre devant la Joconde. Ils sont poursuivis par Porky Pig qui s'est mis en tête de les chasser au fusil. Le lapin et le canard s'enfuient dans les couloirs du musée avant de décider de se cacher dans les toiles de maîtres. Face aux montres molles de Dali ils s'engluent, dans le Cri de Munch ils hurlent, ils dansent dans une toile de Toulouse Lautrec avant de devenir des pointillés chez Seurat et de souffler sur le cochonnet qui disparaît de l'image.

Le projet du film est de plier notre monde sur celui des héros de Warner Bros, et non l'inverse. Contrairement à Qui veut la peau de Roger Rabbit de Robert Zemeckis, dans le film de Joe Dante, ce ne sont pas deux univers qui se confrontent. Le monde des toons applique ses lois au monde des humains devenu un monde parallèle, un monde où les frontières de notre réalité sont abolies comme le montre parfaitement la scène du musée du Louvre qui se poursuit dans un Paris de carte postale sans que cela ne soit un cliché, un Paris de pacotille où la Tour Eiffel se trouve devant Le Louvre.

Cette séquence de Les Looney tunes passent à l'action est la plus réussie du film de Joe Dante. Elle évoque la scène du musée dans La Folle journée de Ferris Bueller, d'ailleurs on peut voir des écolières à la queue-leu-leu, comme on en voyait dans le film de John Hughes, comme un léger et vibrant hommage. Mais dès que Bugs Bunny et Daffy Duck sortent du Louvre, ils retrouvent les humains qui les accompagnent, DJ Drake (Brendan Fraser) et Kate Houghton (Jenna Elfman), deux employés du studio Warner Bros.

Avant d'arriver à Paris où les affiches des films de Jerry Lewis (le comique préféré des Français selon Hollywood qui ne s'en est pas encore remis) sont sur les murs de la Tour Eiffel (on repère celle de Ya ya mon général – rebaptisé Où trouvez-vous la guerre puis celle de Smörgåsbord, son dernier film), les quatre personnages se rencontrent à Hollywood. Kate est productrice dans la branche comédie de Warner Bros, mais elle rêve de faire des films plus sérieux, a décidé de virer Daffy Duck, qu'elle juge trop vieux.

Dans cette réunion, elle est la seule femme. Les frères Warner sont symbolisés comme deux jumeaux rétrogrades (leurs téléphones datent des années 1950) et les cadres sont tous en costumes gris. Face à eux, le méchant du film est le patron d'Acme (Steve Martin) et il s'appelle tout simplement Chairman et lui aussi a ses sbires, désignés uniquement par leur fonction, ainsi Ron Perlman est le Vice-Président « Never Learning ». Pour se plier au cartoon, Steve Martin grimé et méconnaissable cabotine comme jamais.

Le récit repose sur un MacGuffin : un diamant vert qui transforme les hommes en singes est recherché à la fois par le père de Drake (Timothy Dalton), acteur de films d'espionnage (logique depuis ses James Bond) et par Chairman. Kate et DJ partent à la recherche du père, d'abord à Las Vegas, puis dans le désert du Nevada, ensuite en France, en Afrique et dans l'espace. Et par un concours de circonstances, Bugs Bunny et Daffy Duck sont de ces voyages sans que jamais on ne se pose la question du transport car on est vraiment dans l'univers du cartoon.

Les personnages de dessin animé vivent leur propre vie. Daffy Duck ne parle que de pognon pendant tout le film, il ne cherche rien d'autre qu'à se faire rembaucher par les Warner. Bugs Bunny a besoin de son soufre-douleur favori et tandis qu'il croque sa carotte quelque soit l'endroit où il se trouve, il observe sans sourciller son ami le canard se faire démembrer, perdre son bec, exploser, se faire désintégrer, se faire humilier par tous les autres personnages des Looney Tunes, il va l'aider mollement à retrouver son poste à Hollywood.

Ce qui frappe dans Les Looney Tunes passent à l'action, c'est que les personnages semblent tous atteint de folie sinon de méchanceté. Sam le pirate, patron d'un casino à Las Vegas, les extra-terrestres des films de série B des années 1950, le diable de Tasmanie, le Coyote, Titi et Gros Minet ou Peter Lorre venu faire coucou par la magie du dessin animé. Cette folie gaguesque des Looney Tunes a contaminé tous les humains dont ces pauvres DJ et Kate, premiers spectateurs des facéties des toons, premières victimes également.
































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