Directeur
d’une entreprise industrielle (on aperçoit régulièrement des
cheminées laissant échapper de la fumée) et veuf, Shuhei Hirayama
(Chishu Ryu) vit avec sa fille Michiko (Shima Iwashita) et son fils
Kazuo (Shinichiro Mikami), tous deux la vingtaine. Il passe son temps
entre le travail et les bars où ils retrouvent ses vieux amis Kawai
(Nobuo Nakamura) et Horie (Ryuji Kita) où ils boivent beaucoup de
saké. Ils décident d’organiser une rencontre amicale avec leur
ancien professeur, Monsieur Sakuma (Eijiro Tono). Ils ne l’ont pas
revu depuis une bonne trentaine d’années. Le vieil homme, tout
heureux de revoir ses anciens élèves, profite de la soirée au
restaurant pour se goinfrer et boire beaucoup de saké.
Trop
saoul pour rentrer seul, Kawai le raccompagne et découvre qu’il
vit avec sa fille, restée toute sa vie célibataire. Sakuma
culpabilise de n’avoir jamais laissé sa fille se marier. Hirayama
va lui apporter un peu d’argent, car l’ancien professeur est
entre temps devenu un marchand de nouilles sans le sou. Hirayama
rencontre lui aussi la fille de Sakuma, qu’elle a grondé, comme
s’il était un enfant, pour son ivresse. C’est à ce moment-là
qu’il comprend qu’il est grand temps qu’il laisse Michiko
partir du foyer. Sa secrétaire, du même âge que sa fille, lui
annonce qu’elle va quitter l’entreprise pour se marier. Il faut
se faire à son époque.
Le
passé continue de rattraper Hirayama. Outre ses vieux amis d’enfance
Kawai et Horie, son ancien professeur, il rencontre par hasard
Sakamoto (Daisuke Katô), qui fut, pendant la guerre, marin sous son
ordre. Le moment est amusant, ils chantent ensemble un air de cette
époque, ils boivent beaucoup de saké. De retour chez lui, Michiko
l’accueille bien sèchement, navrée de voir son père saoul. Il
est temps pour elle de quitter le foyer mais elle n’ose pas encore
le dire. Quant au petit frère qui veut se faire servir le repas, il
ne sait faire aucune tache ménagère et sa sœur lui annonce qu’il
devra bientôt se débrouiller seul.
L’avenir
est le mariage de Michiko. Son grand frère Koichi (Keiji Sada) est
lui marié avec Akiko (Mariko Okada). Le couple a un peu de mal à
boucler les fins de mois. Régulièrement, le père leur donne un peu
d’argent. Lui voudrait pouvoir s’acheter des clubs de golf, vivre
bourgeoisement comme son père mais Akiko l’en empêche. C’est
elle qui gouverne au foyer. Par manque d’argent, ils n’envisagent
pas encore d’avoir d’enfants. Informé du désir de Michiko de se
marier, il apprend qu’elle est amoureuse d’un de ses collègues,
hélas, déjà fiancé. Elle devra se contenter du jeune homme (que
l’on ne verra jamais) choisi par son père. Et le petit frère
annonce qu’il est, lui aussi, amoureux d’une jeune femme.
Le
Goût du saké, dernier
film de Yasujiro Ozu, prend en compte les changements de société et
surtout l’influence importante de la culture américaine sur les
Japonais. Le bar s’appelle le « Torys », on joue au
golf, le whisky remplace le saké, Kazuo répond « Yes ».
Plus largement, les mœurs changent, la jeunesse décide désormais
pour elle-même et ne veut plus vivre avec les parents. Les hommes
sont montrés comme des êtres pleins de faiblesse (alcooliques,
paresseux, dépensiers). Ce changement de société est inéluctable,
comme Yasujiro Ozu le montrait encore plus fortement dans Bonjour.
Seul le style du cinéaste reste égal à lui-même ne filmant que
les moments du quotidien en plan fixe, comparant les actes des
personnages pour élaborer sa vision de la société.
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