C'était
le premier long-métrage de Jacques Brel, tourné en 1971, il fera
deux ans plus tard Le Far west. Plutôt que le titrer Léon et
Léonie, il l'appelle Franz, un prénom moins trivial, plus
romantisme allemand. Acteur, scénariste (avec Paul Andréota),
metteur en scène mais aussi, évidemment, compositeur de la musique,
une ritournelle à l'accordéon aux atours mélancolique comme les
plages grises de la Mer du Nord, dans une ville de Belgique qui ne sera jamais nommée.
Le
chanteur aux grandes dents et la chanteuse au grand nez, Jacques Brel
et Barbara, Léon et Léonie. La Pension du soleil, là se reposent
une demi-douzaine de fonctionnaires, c'est le matin, on lit le
journal, on se rase, on prend son petit-déjeuner, on vaque et on
attend deux dames, Léonie, long manteau noir et Catherine (Danièle
Evenou, la compagne de Jacques Brel à l'époque), court manteau
blanc. Elles arrivent en train, elles ne se connaissaient pas, elles
ne connaissent pas les malades qui se font soigner dans cette
pension.
Le
groupe accueille les deux femmes avec bonheur (parmi les acteurs se
trouve Serge Sauvion connu pour être la voix de l'inspecteur
Columbo). Catherine est tout sourire, avec sa bonne bouille et ses
cheveux roux, elle a tôt fait de mettre tout le monde de son côté
et les hommes dans son lit. Léonie, cheveux noirs courts, est bien
plus réservée. Personne ne fait attention à elle quand elle se
présente, tous regardent avec envie Catherine. Tous sauf Léon,
grand timide, qui s'approche doucement d'elle et lui serre la main.
Il
faut bien s'occuper. Les activités ne sont pas variées, en journée
promenade à pied sur la digue à marée basse ou en vélo au milieu
des usines. Serge propose de faire du char à voile. Léonie et Léon
grimpent ensemble sur le char, ils glissent jusque dans la mer et ne
peuvent plus s'en dégager. Ils ressortiront tout trempés. Elle est
furieuse « c'était une robe neuve ». « Excusez-moi »
balbutie-t-il. « D'abord, on dit je vous prie de bien vouloir
m'excuser » rétorque Léonie sur un ton brutal qui laisse Léon
pantois mais fait marrer les autres.
Léon
a une grande passion : les pigeons. Il en possède 27. Chaque
matin, il expédie un message à sa maman. « J'aime les
pigeons » dit Léonie. Ils commencent à s'amadouer l'un
l'autre. Quand le groupe fait du vélo, ils laissent le duo partir à
droite quand eux filent à gauche. Léon raconte son passé, son
traumatisme au Katanga quand il était militaire. Dans un bunker il
imite le bruit de la mitraillette avec un regard dément. « J'aime,
j'aime, j'aime », crie Léonie avec un sourire mystérieux et
ineffable. Ils se sont conquis.
Romantisme
certes, belles robes et vouvoiement de rigueur, mais la maladresse de
Léon manque de tout gâcher (la pêche aux crevettes où il termine
en slip dans la mer). Là où Jacques Brel désamorce ce romantisme
petit à petit quand il fait comprendre que le groupe fait tout pour
lui faire des canulars, quelques mauvaises blagues. Ils détraquent
le char à voile, ils mettent un pigeon mort dans son assiette, ils
font croire à Léonie qu'il n'est jamais allé au Katanga mais il a
un simple souci de mélanine. Léon se rend compte un peu tard de
tout cela.
Jacques
Brel aime filmer sa troupe caméra à l'épaule, il multiplie les
plans séquences virevoltants et à 360° (jolie scène du bal où
Catherine passe d'un partenaire à un autre). Il ne se confie pas le
beau rôle, au contraire, il se maltraite. La séquence de la visite
de sa mère castratrice est douloureuse, la dernière blague du
groupe est d'une violence inouïe. Il filme, en revanche, Barbara
comme une poupée, lui offrant des robes extravagantes et, dans une
scène, une perruque blonde, elle dont le personnage ne cessera de
dire qu'elle est laide.
2 commentaires:
Le film se déroule, en effet, à la mer du Nord, en Belgique. La côte belge est flamande et non wallonne, une région qui est à près de 200 km de là !...
Merci pour la correction. J'ai sans doute été dupé par la langue des personnages.
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