lundi 25 septembre 2017

Le Dingue du palace (Jerry Lewis, 1960)

« Pas d'histoire pas d’intrigue ». Le (faux) producteur de la Paramount présente Le Dingue du palace. Il annonce quelque chose de neuf, ni un mélo, ni un film d'horreur, ni de la science-fiction. Un « film of fun and nonsense with no story and no plot ». Tout ça le rend dingue ce producteur et avec un rire de dément, il lance le film. Dès son premier film comme réalisateur, une fois sa séparation d'avec Dean Martin, Jerry Lewis refuse les histoires prétextes des films de son duo dont les titres laissaient bien deviner les situations que le pitre allait rencontrer.

Des gags pour faire rire sans aucune histoire si ce n'est celle du quotidien d'unn palace à Miami, le Fontainebleau. Des dizaines d'employés, cuisiniers, femmes de chambre, artistes et tout au bas de l’échelle les Bellboys, ces hommes à tout faire que l’on appelle en faisant tinter une cloche. Pour son personnage de groom, Jerry Lewis choisit le prénom de Stanley, comme Laurel dont un sosie viendra hanter par sa présence muette l'hôtel. Pas d'histoire, pas d’intrigue mais pas non plus de voix pour Stanley qui ne dira pas un seul mot pendant tout le film, un comique de burlesque muet égaré en 1960.

Pourtant Jerry Lewis parle dans le film, mais uniquement quand il joue son propre personnage dans une mise en abyme étourdissante. Kovacs, le patron de l'hôtel, va accueillir Jerry Lewis. De sa voiture descendent 26 personnes, toutes portant des lunettes de soleil. Puis arrive souverain Jerry qui joue au type imbuvable entouré d'une cour de lèche bottes. C'est le portrait d'une star irascible, imbu de lui-même, prétentieux que Jerry Lewis fait de sa personne, un portrait colporté à longueur de tabloïds américains, un portrait dont il n'est pas dupe et qu'il assume.

C'est pour cela, pour contrecarrer son statut de vedette comique qu'il décide de jouer un moins que rien et c'est un comique marxiste qu'il élabore, tendance Harpo que Jerry Lewis prend un délectable plaisir à imiter dans plusieurs gags. Ne ce serait-ce que parce que Stanley ne parle pas. Il siffle en revanche. Parce qu'il grimace de manière inquiétante quand il doit répondre aux téléphones du standard (son gag le plus Harpo) et parce qu'il a un sérieux problème avec les femmes, finalement comme tous les grooms de l'hôtel qui se jettent sur les mannequins d'un défilé de mode.

Dans cette scène, des jeunes femmes viennent à l'hôtel, les employés en rang d'oignons se précipitent sur elles quand elles se rendent dans leurs loges. Puis Stanley arrive dans les loges tandis qu'elles se déshabillent et il s'approche de la caméra et vient mettre sa main sur l'objectif pour les masquer. Plus tard, une strip-teaseuse se verra surmontée d'un carton « censored » qui apparaît à l'image. Jerry Lewis dit tout simplement que dans une comédie on ne peut pas montrer la sensualité des corps des femmes, ainsi dans son deuxième film, Le Tombeur de ces dames, il n'y aura que des femmes.

Entre les femmes et l'humour à la Marx Brothers, entre le régime de cette grosse dame du 23 au 33 février (!!!) et l'ascenseur archi-bondé telle la cabine du bateau d'Une nuit à l'opéra, Le Dingue du palace poursuit ses gags et numéros burlesque pendant les 68 minutes à raison d'un gag toutes les 91 secondes (à peu près). On trouve dans le film, un moteur de Coccinelle, une promenade de chiens, une deuxième promenade de chiens, une salle de cinéma à installer, une statue de glaise, un restaurant sans chaise disponible et encore plein plein plein de choses.

Faire tant de gags sans se soucier du scénario et de l'intrigue a une conséquence directe, celle que quelles que soient les catastrophes que Stanley puisse produire (l'exemple le plus typique est la destruction plastique de la statue, de la beauté banale à la laideur inquiétante, la marque de fabrique de Jerry Lewis), aucune de ces catastrophes n'a de conséquence sur le gag suivant, comme un gag des Looney Tunes. L'unique intrigue du film est l'absence de réplique de Stanley jusqu'à la scène ultime où il explique qu'il sait parler mais que personne ne lui avait demandé jusque là de parler.





























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