Exaspérant.
Je crois qu’il n'y a pas de mot plus juste pour qualifier Gabriel.
Exaspérant mais tellement sympathique avec sa bonne bouille et ses
yeux rieurs. Gabriel (João Pedro Zappa) est un baroudeur, un
bourlingueur, un petit gars du Brésil parti en Afrique. Quatre
chapitres quatre pays, Kenya, Tanzanie, Zambie et Malawi. Un périple
de 70 jours avant de mourir sur une montagne, au creux d’un rocher.
Gabriel était un ami du cinéaste.
Pendant
un peu plus de deux heures, Gabriel est de chaque plan, de chaque
scène. Du plan séquence d'ouverture en plongée, comme vu d'en
haut, de l'au-delà où deux paysans malawiens découvrent son
cadavre aux photos finales prises par le vrai Gabriel, il va falloir
supporter Gabriel. Il s'est pris une année sabbatique avant d'aller
faire ses études à Los Angeles. Mais attention, il ne cessera
jamais de le clamer : il n'est pas un touriste.
Dans
une case en pays Massai, c'est le matin et Gabriel surgit. Tout
souriant, il se lève, il est s'est fait héberger chez un « ami »
(tous les Africains sont ceux qui ont rencontré le vrai Gabriel
Buchman). Pour Gabriel, tout le monde est un ami, un grand ami. Pour
les habitants du Kenya, il est un « mzungu », un touriste
blanc. Il sera le seul blanc de tout le film, il s’échine à ne
surtout pas visiter ce que les touristes viennent d'habitude voir.
Il
se fait confectionner des sandales en pneu. Il se munit d'un bâton
de marche, il le tournera comme un bâton de majorette. Il se verra
offrir un sabre après avoir tranché la tête d'un lapin (hilarante
scène où les Massai se moquent de lui, le lapin chez eux, c'est de
la bouffe pour les chiens). Et il portera une tunique locale. Voilà
pour le look de Gabriel. Il faut ajouter qu'il porte une sorte de
bouc au menton, un peu ridicule.
Gabriel
n'en fera toujours qu'à sa tête. Il n'écoute jamais les conseils
de ses « amis », ces guides qui connaissent chaque recoin
et danger de leur région. Il fait des caprices, ne veut plus aller
jusqu'en haut du Kilimandjaro après avoir trépigné comme un gamin
gâté pour faire l'ascension le plus vite possible. Il gambade sur
le mont Munlaje avec ses sandales inadaptées. Il emmerde un guide
pour refaire la photo quand il plonge sous une cascade.
Il
voyage comme les Africains dit-il. Mais quand il retrouve sa copine
en Tanzanie, Cristina (Caroline Abras), elle comprend bien que ce
rythme infernal ne tourne pas rond. Elle veut faire un safari photo,
Gabriel rechigne, accepte mais va taquiner les zèbres sur leur
prairie. Dans une longue discussion étonnante, le passé de Gabriel
est évoqué, sa bourgeoisie, ses amis « réacs », ses
études, Cristina lui fait une longue liste de reproches.
Tout
tourne autour de lui, alors qu'ils se prélassent sur la plage, il a
une soudaine enfin de baiser, il la force. Quand elle rentre au
Brésil, qu'elle lui a appris qu'elle refuse de le suivre en
Californie, il semble décider que rien ne pourra jamais les
rapprocher. Il se rase comme s'il voulait se racheter une virginité
mais son corps commence à la lâcher et le signe le plus visible est
sa main qui part dans tous les sens.
C'est
un film très beau, ne serait-ce que par le format scope qui permet
d'admirer tous ces paysages et grâce à la polyphonie des langues.
C'est un film étonnant, plus proche de celle des 1001 nuits
de Miguel Gomes (la sensualité, la douceur) que des films
montagnards de Werner Herzog (bien plus rugueux) avec une touche du
style de Jean Rouch (la reconstitution du réel), c'est une prise
directe avec l'aventure et la folie.
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