Calmement,
je poursuis ma découverte des Saisons de Marcel Hanoun,
aujourd'hui L'Hiver. Calmement parce que après L'Eté
déjà très languide, L'Hiver se mérite tant le cinéaste
prend un plaisir à noyer le semblant de récit dans ses 78 minutes.
Pourtant, il est bien là le scénario : Julien (Michael
Lonsdale) réalisateur de fiction est à Bruges pour tourner un
documentaire. Avec son chef op' Michel (pas de générique, donc pas
de nom), il flâne sur les canaux de la ville. Il fait filmer un
arbre, puis le reflet de l'arbre dans l'eau. La ville est belle avec
son architecture médiévale, Julien pense tout de suite à
Shakespeare, et le soir, dans sa chambre d'hôtel, il lit des
extraits à haute voix d'Othello ou de Roméo et Juliette, en
français ou en anglais.
Filmer
Shakespeare, voilà ce qu'il pourrait faire. Sur une gondole, Julien
se filme lui-même dans une mise en abyme en miroir (encore les
reflets sur l'eau) avec son amie Sophie, comédienne italienne qu'il
a connu à Venise où elle jouait du Goldoni. Julien se désespère
d'un tel conformisme. Lors d'une discussion avec son producteur, le
cinéaste dira « le cinéma n'est plus une question
d'anecdotes, c'est un langage en soi » et son producteur lui
répliquera, non sans dépit « allez faire comprendre ça au
public. Il faut une vedette, un sujet, une très belle histoire
simple humaine avec des résonances ». L'art et la manière
même de Marcel Hanoun dans la bouche de Michael Lonsdale, une
vedette du cinéma d'auteur, après tout.
Ce
langage dans L'Hiver est encore une fois un collage d'images,
de plans, des juxtapositions de voix et de musique. Le film mêle le
noir et blanc avec la couleur, qui ne détermine pas de quelle niveau
de réalité il s'agit (la fiction, le documentaire, le film dans le
film dans le film, une séquence au banc-titre). Marcel Hanoun,
toujours en plans très brefs, filme les tableaux des musées de
Bruges, sans doute est-ce le sujet du documentaire de Julien. Il
évoque le fantôme de Sophie, sa présence mémorielle et physique,
comme il le faisait avec Graziella dans L'Eté. Les
personnages de ces deux films sont d'ailleurs en exil, loin de chez
eux, dans l'attente de l'autre cet être aimé, dans une autre
contrée, un autre temps, un autre cinéma. Prochaine étape :
Le Printemps.
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