mardi 12 septembre 2017

Franz (Jacques Brel, 1971)

C'était le premier long-métrage de Jacques Brel, tourné en 1971, il fera deux ans plus tard Le Far west. Plutôt que le titrer Léon et Léonie, il l'appelle Franz, un prénom moins trivial, plus romantisme allemand. Acteur, scénariste (avec Paul Andréota), metteur en scène mais aussi, évidemment, compositeur de la musique, une ritournelle à l'accordéon aux atours mélancolique comme les plages grises de la Mer du Nord, dans une ville de Belgique qui ne sera jamais nommée.

Le chanteur aux grandes dents et la chanteuse au grand nez, Jacques Brel et Barbara, Léon et Léonie. La Pension du soleil, là se reposent une demi-douzaine de fonctionnaires, c'est le matin, on lit le journal, on se rase, on prend son petit-déjeuner, on vaque et on attend deux dames, Léonie, long manteau noir et Catherine (Danièle Evenou, la compagne de Jacques Brel à l'époque), court manteau blanc. Elles arrivent en train, elles ne se connaissaient pas, elles ne connaissent pas les malades qui se font soigner dans cette pension.

Le groupe accueille les deux femmes avec bonheur (parmi les acteurs se trouve Serge Sauvion connu pour être la voix de l'inspecteur Columbo). Catherine est tout sourire, avec sa bonne bouille et ses cheveux roux, elle a tôt fait de mettre tout le monde de son côté et les hommes dans son lit. Léonie, cheveux noirs courts, est bien plus réservée. Personne ne fait attention à elle quand elle se présente, tous regardent avec envie Catherine. Tous sauf Léon, grand timide, qui s'approche doucement d'elle et lui serre la main.

Il faut bien s'occuper. Les activités ne sont pas variées, en journée promenade à pied sur la digue à marée basse ou en vélo au milieu des usines. Serge propose de faire du char à voile. Léonie et Léon grimpent ensemble sur le char, ils glissent jusque dans la mer et ne peuvent plus s'en dégager. Ils ressortiront tout trempés. Elle est furieuse « c'était une robe neuve ». « Excusez-moi » balbutie-t-il. « D'abord, on dit je vous prie de bien vouloir m'excuser » rétorque Léonie sur un ton brutal qui laisse Léon pantois mais fait marrer les autres.

Léon a une grande passion : les pigeons. Il en possède 27. Chaque matin, il expédie un message à sa maman. « J'aime les pigeons » dit Léonie. Ils commencent à s'amadouer l'un l'autre. Quand le groupe fait du vélo, ils laissent le duo partir à droite quand eux filent à gauche. Léon raconte son passé, son traumatisme au Katanga quand il était militaire. Dans un bunker il imite le bruit de la mitraillette avec un regard dément. « J'aime, j'aime, j'aime », crie Léonie avec un sourire mystérieux et ineffable. Ils se sont conquis.

Romantisme certes, belles robes et vouvoiement de rigueur, mais la maladresse de Léon manque de tout gâcher (la pêche aux crevettes où il termine en slip dans la mer). Là où Jacques Brel désamorce ce romantisme petit à petit quand il fait comprendre que le groupe fait tout pour lui faire des canulars, quelques mauvaises blagues. Ils détraquent le char à voile, ils mettent un pigeon mort dans son assiette, ils font croire à Léonie qu'il n'est jamais allé au Katanga mais il a un simple souci de mélanine. Léon se rend compte un peu tard de tout cela.

Jacques Brel aime filmer sa troupe caméra à l'épaule, il multiplie les plans séquences virevoltants et à 360° (jolie scène du bal où Catherine passe d'un partenaire à un autre). Il ne se confie pas le beau rôle, au contraire, il se maltraite. La séquence de la visite de sa mère castratrice est douloureuse, la dernière blague du groupe est d'une violence inouïe. Il filme, en revanche, Barbara comme une poupée, lui offrant des robes extravagantes et, dans une scène, une perruque blonde, elle dont le personnage ne cessera de dire qu'elle est laide.



























2 commentaires:

Désiré Roegiest a dit…

Le film se déroule, en effet, à la mer du Nord, en Belgique. La côte belge est flamande et non wallonne, une région qui est à près de 200 km de là !...

Jean Dorel a dit…

Merci pour la correction. J'ai sans doute été dupé par la langue des personnages.