jeudi 23 mars 2017

Tokyo godfathers (Satoshi Kon, 2003)

Un soir de Noël, trois SDF de Tokyo assistent à la messe de la Nativité pour pouvoir profiter du repas gratuit. Miyuki est une adolescente fugueuse, le barbu Gin est un quadragénaire alcoolique et Hana est un homo travesti. Ils vivent tous les trois dans un village de cartons au beau milieu d'un parc. Il neige, il fait froid et au détour d'une ruelle où ils fouillent les poubelles en quête d'expédients ou de plats dont les gens ont pu se débarrasser, ils entendent les cris d'un bébé.

Il n'en faut pas plus à Hana pour voir dans ce bébé un miracle de Noël, un signe du destin, lui qui a toujours rêvé d'être maman. Malgré les moqueries de Gin, il décide d'adopter ce bébé et de lui donner le prénom de Kiyoko, ce qui veut dire enfant pur en japonais. C'est parti pour un road movie à travers la ville pour retrouver la vraie mère de cette enfant, dans un version modernisée du chef d’œuvre de John Ford, Le Fils du désert (Three godfathers).

Dans ce Tokyo du début du 21è siècle, les trois clodos traversent une ville toute dédiée à la joie de Noël. Sur les murs, des publicités promettent une belle vie de famille, des vacances, des sports de neige. Mais Miyuki, Gin et Hana ne cherchent qu'à trouver de quoi donner à manger au nourrisson, un peu de chaleur et de quoi prendre le métro. Horreur des autres voyageurs qui se bouchent le nez trouvant que Gin pue, à moins que ce ne soit la couche pleine.

Les trois voyageurs font des rencontres, parfois extrêmement drôles comme ce chauffeur de taxi de nuit qui les déplacent plusieurs fois dans le film, parfois cocasses comme ce parrain de la mafia qui les invite au mariage de sa fille, parfois tendres comme cette immigrée sud-américaine qui donne le sein au bébé, parfois inquiétante quand Gin se fait tabasser par des jeunes bourgeois. Chaque rencontre parle du Tokyo d'aujourd'hui.

Quand ils ne rencontrent personne, ils se disputent entre eux, ils se chamaillent, ils se taquinent. Parfois ils sont séparés, là, ils ne cherchent plus qu'à se retrouver. Et si Hana était amoureux de Gin, suggère avec ironie Miyuki. Hana dément formellement mais dès qu'il apprend que Gin est à l'hôpital, il est mort d'inquiétude. Tous les trois forment une famille sans même le savoir et ce nourrisson dont ils s'occupent le temps d'une nuit (le temps du film) renforce leur lien.

Au fil du récit, chacun découvre qui est vraiment l'autre. Hana fait une visite au cabaret où elle faisait ses numéros de travesti. Gin retrouve sa fille devenue infirmière et qui porte le même prénom que le bébé. Miyuki croise son père dans le métro. La beauté de la mise en scène de Satoshi Kon est de faire du hasard autant de signes du destin, le mode de son récit, les rencontres sont si subtilement amenées que cela prend des airs de conte de Noël, parfois cruel, parfois grinçant, parfois tendre, le tout ponctué de trois haïkus.























Aucun commentaire: