Un
soir de Noël, trois SDF de Tokyo assistent à la messe de la
Nativité pour pouvoir profiter du repas gratuit. Miyuki est une
adolescente fugueuse, le barbu Gin est un quadragénaire alcoolique
et Hana est un homo travesti. Ils vivent tous les trois dans un
village de cartons au beau milieu d'un parc. Il neige, il fait froid
et au détour d'une ruelle où ils fouillent les poubelles en quête
d'expédients ou de plats dont les gens ont pu se débarrasser, ils
entendent les cris d'un bébé.
Il
n'en faut pas plus à Hana pour voir dans ce bébé un miracle de
Noël, un signe du destin, lui qui a toujours rêvé d'être maman.
Malgré les moqueries de Gin, il décide d'adopter ce bébé et de
lui donner le prénom de Kiyoko, ce qui veut dire enfant pur en
japonais. C'est parti pour un road movie à travers la ville pour
retrouver la vraie mère de cette enfant, dans un version modernisée
du chef d’œuvre de John Ford, Le Fils du désert (Three
godfathers).
Dans
ce Tokyo du début du 21è siècle, les trois clodos traversent une
ville toute dédiée à la joie de Noël. Sur les murs, des
publicités promettent une belle vie de famille, des vacances, des
sports de neige. Mais Miyuki, Gin et Hana ne cherchent qu'à trouver
de quoi donner à manger au nourrisson, un peu de chaleur et de quoi
prendre le métro. Horreur des autres voyageurs qui se bouchent le
nez trouvant que Gin pue, à moins que ce ne soit la couche pleine.
Les
trois voyageurs font des rencontres, parfois extrêmement drôles
comme ce chauffeur de taxi de nuit qui les déplacent plusieurs fois
dans le film, parfois cocasses comme ce parrain de la mafia qui les
invite au mariage de sa fille, parfois tendres comme cette immigrée
sud-américaine qui donne le sein au bébé, parfois inquiétante
quand Gin se fait tabasser par des jeunes bourgeois. Chaque rencontre
parle du Tokyo d'aujourd'hui.
Quand
ils ne rencontrent personne, ils se disputent entre eux, ils se
chamaillent, ils se taquinent. Parfois ils sont séparés, là, ils
ne cherchent plus qu'à se retrouver. Et si Hana était amoureux de
Gin, suggère avec ironie Miyuki. Hana dément formellement mais dès
qu'il apprend que Gin est à l'hôpital, il est mort d'inquiétude.
Tous les trois forment une famille sans même le savoir et ce
nourrisson dont ils s'occupent le temps d'une nuit (le temps du film)
renforce leur lien.
Au
fil du récit, chacun découvre qui est vraiment l'autre. Hana fait
une visite au cabaret où elle faisait ses numéros de travesti. Gin
retrouve sa fille devenue infirmière et qui porte le même prénom
que le bébé. Miyuki croise son père dans le métro. La beauté de
la mise en scène de Satoshi Kon est de faire du hasard autant de
signes du destin, le mode de son récit, les rencontres sont si
subtilement amenées que cela prend des airs de conte de Noël,
parfois cruel, parfois grinçant, parfois tendre, le tout ponctué de
trois haïkus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire