Dublin,
novembre 1989. Bimbo (Donal O'Kelly) se retrouve, au bout de 25 ans
dans la même boite, au chômage. Son meilleur ami Larry (Colm
Meaney), lui aussi sans boulot, essaie de lui remonter le moral. En
chômage, il s'y connaît. Que faire, donc ? D'abord, traîner
au pub et boire quelques pintes de bière, même si l'argent, lui, ne
coule pas à flot. Ensuite, s'incruster sur les terrains de golf et
faire quelques trous, même si on ne sait pas jouer, ça fait prendre
l'air après quelques bières. Enfin, garder l'espoir.
La
belle idée de The Van, qui reprend à peu près la même
ambiance que The Snapper tourné trois ans plus tôt pour la
télévision, est de mettre en symbiose cet espoir, non pas avec le
boulot, mais avec le foot. Tous les habitants du quartier suivent
ainsi les différentes phases de l'équipe nationale d'Irlande, les
qualifications début 1990 puis les premiers matchs de la coupe du
monde. Les matches sont regardés dans les pubs avec ferveur, avec
des maillots verts et avec de la bière en abondance. Comme la
réalité fait que l'Irlande n'est pas allé en quart de finale,
Stephen Frears poursuit sa fiction.
La
fiction chez ces chômeurs de la banlieue dublinoise prend la forme
d'une utopie. Il faut d'abord dresser le portrait de Bimbo et Larry.
Chacun est marié et père de deux enfants. L'épouse de Larry, Mary
(Caroline Rothwell) a décidé de reprendre ses études. Kevin
(Ruaidhri Conroy) le fils prend son père en contre exemple et bosse
bien au lycée, Diane (Neili Conroy), l'aînée, est maman d'une
petite fille. L'épouse de Bimbo, Maggie (Ger Ryan) est mère au
foyer et élève ses deux jeunes fils qui brillent à l'école. Parce
qu'ils sont de gentils papas, ils doivent trouver du boulot.
Stephen
Frears prend bien soin de mettre en contexte cette utopie qui va
débarquer dans la vie des deux amis, il confronte assez vite les
caractères des deux hommes. Bimbo est calme, posé et désespéré
par son chômage. Larry est un gueulard (Mary a imposé une boîte à
gros mots, Larry dit un fuck à chaque phrase), un amateur de bières
et un père qui fait honte à ses enfants. On découvre aussi les
amis piliers de bar des deux amis, et c'est l'un d'eux qui trouve le
van, le camion qui va leur offrir une nouvelle vie.
C'est
un camion dégueulasse abandonné dans un quartier en ruine. Il n'a
plus de moteur. Il faut le tracter chez eux, suivi par toute une
ribambelle de gamins moqueurs. Il faut le nettoyer. Il faut le
peindre. Il faut le nommer (Bimbo's burgers). Il faut trouver de quoi
composer les menus (morue et pommes de terres frites). Tout cela
compose des scènes légères, un peu en forme de scène de casting,
telles que le scénariste Roddy Doyle en inclue souvent dans les
films qu'il écrit. Maintenant que l'Irlande est éliminée de la
coupe du monde, ils peuvent se mettre au boulot.
Ce
sont ensuite les recherches des premiers clients, toujours sur le
même ton. Voici des mémères qui sortent du bingo. Facile, elles
sont bien aimables. En revanche, les supporters de foot sont un peu
plus directs. Le duo diversifie la clientèle, le camion est enfin
équipé d'un moteur, direction la plage. Bimbo est aux fourneaux et
Larry use de son franc parler et de ses injures pour calmer les
clients, souvent de manière bien outrancière (en plus il est
soupe-au-lait) ce qui inquiète un peu son associé. D'autant que
Larry n'en fait qu'à sa tête.
Associés,
certes, mais les petites disputes, les rancœurs ne vont tarder à
arriver. Larry décide, sans consulter Bimbo d'embaucher sa fille,
puis ce sera son fils. En sous main, Maggie peste, conseille son mari
Bimbo. Quand Larry reçoit une feuille de salaire, alors que jusque
là il se servait dans la caisse pour se payer, il décide de
répliquer en se syndiquant et choisit de faire sa pause en plein
rush. Une tentative de réconciliation où, en costume cravate, les
deux amis se prennent pour des richards, accentuent encore plus leurs
désaccords.
Avec
ses colères suivies de blagues et d'excuses, Larry est décrit comme
une personne ambiguë. Stephen Frears prend un malin plaisir à
rendre son personnage tout à la fois très jovial et relativement
antipathique. Il prend ainsi, sur des thèmes très proches, le
contre-pied du cinéma de Ken Loach (The Van rappelle par bien
des aspects Raining stones). Stephen Frears poursuit son idée
de double caractère à la Dr. Jekyll et Mister Hyde de Mary
Reilly, sorti quelques mois avant The Van, ainsi que dans
ses films précédents, mais sous le soleil irlandais et avec un
grand sourire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire