mercredi 22 mars 2017

The Van (Stephen Frears, 1996)

Dublin, novembre 1989. Bimbo (Donal O'Kelly) se retrouve, au bout de 25 ans dans la même boite, au chômage. Son meilleur ami Larry (Colm Meaney), lui aussi sans boulot, essaie de lui remonter le moral. En chômage, il s'y connaît. Que faire, donc ? D'abord, traîner au pub et boire quelques pintes de bière, même si l'argent, lui, ne coule pas à flot. Ensuite, s'incruster sur les terrains de golf et faire quelques trous, même si on ne sait pas jouer, ça fait prendre l'air après quelques bières. Enfin, garder l'espoir.

La belle idée de The Van, qui reprend à peu près la même ambiance que The Snapper tourné trois ans plus tôt pour la télévision, est de mettre en symbiose cet espoir, non pas avec le boulot, mais avec le foot. Tous les habitants du quartier suivent ainsi les différentes phases de l'équipe nationale d'Irlande, les qualifications début 1990 puis les premiers matchs de la coupe du monde. Les matches sont regardés dans les pubs avec ferveur, avec des maillots verts et avec de la bière en abondance. Comme la réalité fait que l'Irlande n'est pas allé en quart de finale, Stephen Frears poursuit sa fiction.

La fiction chez ces chômeurs de la banlieue dublinoise prend la forme d'une utopie. Il faut d'abord dresser le portrait de Bimbo et Larry. Chacun est marié et père de deux enfants. L'épouse de Larry, Mary (Caroline Rothwell) a décidé de reprendre ses études. Kevin (Ruaidhri Conroy) le fils prend son père en contre exemple et bosse bien au lycée, Diane (Neili Conroy), l'aînée, est maman d'une petite fille. L'épouse de Bimbo, Maggie (Ger Ryan) est mère au foyer et élève ses deux jeunes fils qui brillent à l'école. Parce qu'ils sont de gentils papas, ils doivent trouver du boulot.

Stephen Frears prend bien soin de mettre en contexte cette utopie qui va débarquer dans la vie des deux amis, il confronte assez vite les caractères des deux hommes. Bimbo est calme, posé et désespéré par son chômage. Larry est un gueulard (Mary a imposé une boîte à gros mots, Larry dit un fuck à chaque phrase), un amateur de bières et un père qui fait honte à ses enfants. On découvre aussi les amis piliers de bar des deux amis, et c'est l'un d'eux qui trouve le van, le camion qui va leur offrir une nouvelle vie.

C'est un camion dégueulasse abandonné dans un quartier en ruine. Il n'a plus de moteur. Il faut le tracter chez eux, suivi par toute une ribambelle de gamins moqueurs. Il faut le nettoyer. Il faut le peindre. Il faut le nommer (Bimbo's burgers). Il faut trouver de quoi composer les menus (morue et pommes de terres frites). Tout cela compose des scènes légères, un peu en forme de scène de casting, telles que le scénariste Roddy Doyle en inclue souvent dans les films qu'il écrit. Maintenant que l'Irlande est éliminée de la coupe du monde, ils peuvent se mettre au boulot.

Ce sont ensuite les recherches des premiers clients, toujours sur le même ton. Voici des mémères qui sortent du bingo. Facile, elles sont bien aimables. En revanche, les supporters de foot sont un peu plus directs. Le duo diversifie la clientèle, le camion est enfin équipé d'un moteur, direction la plage. Bimbo est aux fourneaux et Larry use de son franc parler et de ses injures pour calmer les clients, souvent de manière bien outrancière (en plus il est soupe-au-lait) ce qui inquiète un peu son associé. D'autant que Larry n'en fait qu'à sa tête.

Associés, certes, mais les petites disputes, les rancœurs ne vont tarder à arriver. Larry décide, sans consulter Bimbo d'embaucher sa fille, puis ce sera son fils. En sous main, Maggie peste, conseille son mari Bimbo. Quand Larry reçoit une feuille de salaire, alors que jusque là il se servait dans la caisse pour se payer, il décide de répliquer en se syndiquant et choisit de faire sa pause en plein rush. Une tentative de réconciliation où, en costume cravate, les deux amis se prennent pour des richards, accentuent encore plus leurs désaccords.

Avec ses colères suivies de blagues et d'excuses, Larry est décrit comme une personne ambiguë. Stephen Frears prend un malin plaisir à rendre son personnage tout à la fois très jovial et relativement antipathique. Il prend ainsi, sur des thèmes très proches, le contre-pied du cinéma de Ken Loach (The Van rappelle par bien des aspects Raining stones). Stephen Frears poursuit son idée de double caractère à la Dr. Jekyll et Mister Hyde de Mary Reilly, sorti quelques mois avant The Van, ainsi que dans ses films précédents, mais sous le soleil irlandais et avec un grand sourire.



















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