vendredi 10 mars 2017

Mary Reilly (Stephen Frears, 1996)

La seule chose de sa femme de ménage Mary Reilly (Julia Roberts) qui peut offrir un intérêt au Dr. Jekyll (John Malkivich) , c'est la vue de ses blessures sur les bras et le cou. Mary est à genoux devant la porte d'entrée, elle astique le palier et Jekyll, debout derrière elle, donne l'impression de découvrir pour la toute première fois sa domestique. Elle baisse les yeux à son arrivée, ose à peine s'exprimer, il observe les blessures, des marques de morsures, et propose de les soigner. Elle refuse la proposition.

Les relations entre Jekyll et Mary ne sont rien d'autre que des rapports de soumission, comme l'étaient déjà ceux de Omar et Johnny dans My beautiful laundrette, de Ken et Joe dans Prick up your ears. Les années 1960 ou 1980 sont remplacées dans Mary Reilly par la ténébreuse, violente et opaque Angleterre victorienne. Pas un seul plan ne sera pas grisâtre, brumeux, poisseux. Et ces rapports sont doublés par le dédain du majordome, l'intraitable Poole (George Cole) qui convoque la domestique dans son bureau pour la sermonner.

Au milieu de cet gris londonien du 19ème siècle, la coiffure rousse de Mary Reilly apporte un peu de couleur dans la vie du docteur Jekyll, dans cette maison en forme de labyrinthe où la femme de ménage se perd. Après s'être fait reprocher par Poole d'être restée, un matin, trop longtemps dans la chambre, elle rétorque qu'elle discutait avec le maître de la création d'un jardin. Au fur et à mesure du film, des fleurs pousseront dans la cours pavée, coincées dans cette demeure étriquée comme l'est Mary.

Le surgissement de la couleur rouge vient aussi des lèvres de madame Farraday (Glenn Close, reconstituant le duo des Liaisons dangereuses), mère maquerelle d'une « maison » (comme le dit naïvement la cuisinière qui partage la chambre et le lit de Mary). Farraday est fort en gueule, elle dirige d'une main ferme son bordel, elle se moque de la timidité de Mary Reilly qui vient lui remettre un message de Jekyll au sujet de son assistant le jeune Hyde, personnage jusque là invisible mais dont les domestiques ne cessent jamais de parler.

Le rouge encore et toujours dans les draps des prostituées déchiquetées par Hyde. Là, le film prend un tour gore, alors qu'il semblait commencer dans le réalisme britannique. Faux semblants que Stephen Frears s'amusera toujours à développer dans ses films. Ce rouge qui fascine tant Mary Reilly est l’œuvre de Hyde et, à cause de son passé raconté dans un flashback troublant, elle préférera l'amour violent de Hyde à la gentillesse de Jekyll, la domination brutale plutôt que la compréhension.




















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