La
seule chose de sa femme de ménage Mary Reilly (Julia Roberts) qui
peut offrir un intérêt au Dr. Jekyll (John Malkivich) , c'est la
vue de ses blessures sur les bras et le cou. Mary est à genoux
devant la porte d'entrée, elle astique le palier et Jekyll, debout
derrière elle, donne l'impression de découvrir pour la toute
première fois sa domestique. Elle baisse les yeux à son arrivée,
ose à peine s'exprimer, il observe les blessures, des marques de
morsures, et propose de les soigner. Elle refuse la proposition.
Les
relations entre Jekyll et Mary ne sont rien d'autre que des rapports
de soumission, comme l'étaient déjà ceux de Omar et Johnny dans My
beautiful laundrette, de Ken et Joe dans Prick up your ears.
Les années 1960 ou 1980 sont remplacées dans Mary Reilly par
la ténébreuse, violente et opaque Angleterre victorienne. Pas un
seul plan ne sera pas grisâtre, brumeux, poisseux. Et ces rapports
sont doublés par le dédain du majordome, l'intraitable Poole
(George Cole) qui convoque la domestique dans son bureau pour la
sermonner.
Au
milieu de cet gris londonien du 19ème siècle, la coiffure rousse de
Mary Reilly apporte un peu de couleur dans la vie du docteur Jekyll,
dans cette maison en forme de labyrinthe où la femme de ménage se
perd. Après s'être fait reprocher par Poole d'être restée, un
matin, trop longtemps dans la chambre, elle rétorque qu'elle
discutait avec le maître de la création d'un jardin. Au fur et à
mesure du film, des fleurs pousseront dans la cours pavée, coincées
dans cette demeure étriquée comme l'est Mary.
Le
surgissement de la couleur rouge vient aussi des lèvres de madame
Farraday (Glenn Close, reconstituant le duo des Liaisons
dangereuses), mère maquerelle d'une « maison »
(comme le dit naïvement la cuisinière qui partage la chambre et le
lit de Mary). Farraday est fort en gueule, elle dirige d'une main
ferme son bordel, elle se moque de la timidité de Mary Reilly qui
vient lui remettre un message de Jekyll au sujet de son assistant le
jeune Hyde, personnage jusque là invisible mais dont les domestiques
ne cessent jamais de parler.
Le
rouge encore et toujours dans les draps des prostituées déchiquetées
par Hyde. Là, le film prend un tour gore, alors qu'il semblait
commencer dans le réalisme britannique. Faux semblants que Stephen
Frears s'amusera toujours à développer dans ses films. Ce rouge qui
fascine tant Mary Reilly est l’œuvre de Hyde et, à cause de son
passé raconté dans un flashback troublant, elle préférera l'amour
violent de Hyde à la gentillesse de Jekyll, la domination brutale
plutôt que la compréhension.
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