Le
film aurait pu s'appeler « Voyage à travers le cinéma de
Brian De Palma », mais au lieu de cela il sera titré tout
simplement De Palma, des lettres rouges capitales viennent de
la droite du cadre D E P A L M A et enchaînent immédiatement avec
un extrait de Vertigo d'Alfred Hitchcock, la scène où James
Stewart est sur le toit et Brian De Palma qui raconte que ce film,
qu'il vît en 1958, fût son premier grand choc cinématographique.
Il ne manquera jamais, comme on le sait, de glisser des hommages à
Hitchcock dans ses films.
Le
cinéaste est assis, veste sombre, et ne cessera jamais de parler
pendant ce documentaire de 105 minutes qui résume toute sa vie (une
gageure), ses 50 ans de cinéma depuis ses courts-métrages
d'étudiants jusqu'à Passion en 2013. Mais il commence à son
enfance, son adolescence expédiée en 5 minutes chrono pour se
consacrer à son œuvre. Il va sans dire que Brian De Palma est l'un
de mes cinéastes préférés et j'ajoute que Carrie est pour
moi son meilleur film et j'en admire bien d'autres.
Ce
qu'il y a de merveilleux dans ce film de Noah Baumbach et Jake
Paltrow (visible cette semaine sur Arte+7 et disponible en DVD),
c'est que Brian De Palma n'est pas seulement un conteur épatant, et
il sait parfaitement bien raconter tous les mouvements de sa vie,
toute la conception de ses films, c'est qu'il est aussi son meilleur
exégète. Il parvient à analyser ses films à la perfection, et
c'est un bonheur totalement jouissif de l'écouter parler (quel
dommage cette voice over plutôt que des sous-titres).
Sa
vie avant le cinéma est illustrée par des photos quand il était
petit, de ses parents (son père trompait sa mère et le personnage
du jeune photographe, fils de Jessica Lange dans Pulsions est
inspiré de Brian), de ses frères, de sa vie à Philadelphie et de
son entrée à l'Université de Columbia où il mena des études
scientifiques brillantes. Et un jour, il s'inscrit à un ciné-club
où il découvre plein de films, et notamment ceux de la Nouvelle
Vague. Et il se lance dans le court-métrage puis le long à 24 ans
avec The Wedding party.
Comme
dans l'excellent livre d'entretien avec Samuel Blumenfeld et Laurent
Vachaud (qui date de 2002), Brian De Palma évoque sa filmographie
dans l'ordre chronologique. Et il parle, il parle, il parle sans
cesse, inondant d'anecdotes variées sur sa rencontre avec ses
acteurs, William Finley, Robert De Niro, John Lithgow, et sur ses
actrices, Jennifer Salt, Nancy Allen, Amy Irving. Les actrices, il
adore les déshabiller devant la caméra, ce sera l'un de ses
leitmotive. Il évoque d'ailleurs lucidement la prétendue misogynie
de ses films.
Des
rencontres, il en a eu beaucoup. Evidemment celles avec Scorsese,
Coppola, Lucas et Spielberg, celle avec Cassavetes, celle avec Kirk
Douglas (deux films dont le très méconnu Homes movies). On
apprend que Orson Welles ne savait pas son texte pour Got to know
your rabbit, son premier film à Hollywood, que Cliff Robertson
dans Obsession était jaloux de la prestance de Geneviève
Bujold, qu'il avait prévu d'embaucher une actrice X pour le rôle de
Mélanie Griffith dans Body double,
que Sean Penn torturait Michael J. Fox sur le tournage d'Outrage
Mais
que seraient les films de Brian De Palma sans la musique, celle de
Bernard Herrmann, celle de Pino Donaggio, sans ses longs plans
séquences tarabiscotés, sans ses déambulations (Pulsions au
musée, Body double dans le centre commercial et
L'Impasse dans le métro),
sans ses demi-bonnettes où dans un plan deux perspectives
s'affrontent, sans ses split-screens, de Dyonisos in 69 à
Femme fatale en passant par Sœurs de sang et
Carrie, les longs extraits
donnent envie de revoir encore et encore ses films.
Brian
De Palma est le plus loquace sur ses meilleurs films de sa période
la plus féconde, c'est à dire entre Carrie
et Snake eyes, 20 ans
de génie quand même. Il n'est jamais dupe des ratages commerciaux
ou artistiques, Furie
par exemple qu'il n'aime pas, il passe rapidement sur ses derniers
films, il évoque les films qu'il a refusés (Flashdance,
Liaison fatale), il balance sur
Oliver Stone qui perturbait Al Pacino sur le tournage de Scarface.
Bref, ce voyage à travers le cinéma de Brian De Palma est le
meilleur voyage à faire en ce moment.
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