« Il
n'a pas été judicieux dans le choix de ces ancêtres » dit un
aristocrate à l'archiduc au sujet de Percy Fawcett (Charlie Hunnam)
lors de la réception organisée après une chasse à courre où le
major de l'armée britannique avait tué un cerf en l'honneur de ce
Lord local. Fawcett, à cause de son père alcoolique et joueur,
n'est pas invité à la table d'honneur de l'archiduc, laissé à la
réception avec son épouse Nina (Sienna Miller) avec laquelle il
parade au milieu de la salle de bal en bel uniforme militaire pour
entamer une valse sous le regard de la noblesse coloniale dans
l'Irlande encore sous le joug de l'Angleterre.
En
cette année 1905, quand commence The Lost city of Z, les
enjeux coloniaux sont encore primordiaux. James Gray le souligne avec
une économie de dialogues et une grande subtilité. Percy Fawcett,
soldat en Irlande, a été toute sa vie soumis aux ordres des
aristocrates locaux et au Roi de Grande-Bretagne. Fawcett a baroudé
à Ceylan, à Hong Kong, laissant son épouse en Europe avec leur
fils Jack. Les enfants ont une grande importance dans le film divisé
en trois parties, trois voyages et autant d'enfants qui naissent,
Ryan puis Joan, qu'il ne verra jamais grandir. Le film s'étend sur
une vingtaine d'années.
La
Société Royale de Géographie décide de lui donner une nouvelle
mission. Entre le Pérou et le Brésil, dans la partie occidentale de
l'Amazonie, tout est à découvrir, c'est la dernière frontière,
celle du désert vert. Un conflit s'est déclaré entre les deux pays
et le Royaume Uni voit ici l'occasion d'accentuer son pouvoir
colonial, non plus en établissant des comptoirs mais en
cartographiant cette région inconnue, en dessinant des frontières
et en relevant les matières premières nécessaires au développement
industriel, notamment le caoutchouc.
Percy
a d'autres ambitions. Il effectuera cette mission mais rêve à la
cité perdue de Z (prononcé zèd). Son épouse Nina a trouvé un
parchemin oublié d'explorateurs portugais affirmant avoir vu une
civilisation au milieu de ce monde. L'une des plus belles scènes du
film voit le premier compte-rendu donné par Percy Fawcett à la
société où les membre se gaussent de l'idée que des « sauvages »
puissent être seulement civilisés, eux qui n'ont jamais embrassé
la chrétienté. C'est une scène déchirante, d'une rare violence
verbale, un affrontement entre les conservateurs et le progressiste
qu'est Percy.
Mais
avant cette conférence houleuse, le premier voyage en forêt
amazonienne est un parcours du combattant. Percy est guidé par un
esclave amazonien, un esclave enchaîné dont on découvre sur le dos
des marques de fouet. Pour cet Indien, guider Percy est la porte de
sa liberté. L'explorateur est accompagné d'un géographe, Henry
Costin (Robert Pattinson, méconnaissable avec sa grande barbe) et de
Manley (Edward Ashley). Ce premier voyage est le plus beau, notamment
avec la rencontre de ce baron qu'incarne Franco Nero, dans un
émouvant hommage à Fitzcarraldo, écoutant au milieu de la
jungle un opéra.
Toute
cette première partie est sous le signe de la faune. Le cerf de la
chasse dans la scène d'ouverture, les chauves souris bruyantes lors
de le première nuit en bivouac, un serpent qui glisse entre les
jambes, un chihuahua qui taquine Costin, des moustiques, un sanglier
providentiel quand ils crèvent de faim et surtout une belle scène
où un homme de l'expédition se fait dévorer par des piranhas après
une panique due à une attaque par des Guaranis. A certains moments,
on se croirait dans L'Oreille cassée, l'aventure très
feuilletonesque de Tintin en Amérique du sud.
Trois
voyages en Amazonie sur 20 ans et chaque retour en Angleterre est
l'occasion pour Percy Fawcett de retrouver sa femme et ses enfants.
Pour repartir aussitôt avec son comparse Costin, avec lequel les
rapports ne sont pas sans ambiguïté. L'explorateur n'a pas choisi
ses ancêtres mais construit, avec patience, son destin. Charlie
Hunnam porte tout le film sur ses épaules, il est de toutes les
scènes, il est un héros à la Raoul Walsh qui fonce, la
construction m'a rappelé, avec ses allers-retours, They died with
their boots on - La Charge fantastique). Quand je découvrais en
1999 la série britannique Queer as folk où Charlie Hunnam
jouait un adolescent, je ne pensais pas qu'il deviendrait un acteur
de cette envergure.
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