mercredi 17 juin 2020

Un moment d'égarement (Claude Berri, 1977)

Les papas portaient des moustaches fournies, ils avaient du poil en abondance à l'abdomen et ils partaient en vacances à Saint-Tropez en Peugeot 504 rouge sans leurs femmes mais avec leurs filles. Martine (Christine Dejoux) est la fille de Pierre (Jean-Pierre Marielle) et Françoise (Agnès Sorel) est celle de Jacques (Victor Lanoux). Le voyage est joyeux, des papouilles aux papas devant, il y a quelques encombrements dans les derniers kilomètres, mais voilà la maison des vacances, à quelques encablures de la plage.

Claude Berri présente rapidement la situation maritale des deux mâles avec dès le matin des coups de téléphone. Ça sonne dans la maison. Pierre se lève, il se dispute avec la mère de Martine tout en tentant de garder son calme. Ils sont divorcé, voilà qui explique son absence. Puis c'est au tour de Jacques, sa femme est restée chez elle dans l'attente d'un boulot, ça sera au Club Med à Agadir. Ils s'engueulent franchement, c'est qu'il a un peu le sang chaud ce Jacques, puis il passe le combiné à Françoise qui parle à sa mère avec une petite voix espiègle.

Dans ces quelques minutes matinales, deux gestes ont pu être distingués que Claude Berri filme sans appuyer. Martine et Françoise partagent la même chambre, les deux adolescentes dorment chacun dans un lit. Quand Pierre vient réveiller sa fille, sa main frôlera ensuite la peau de Françoise. Cette dernière, également réveillée par le coup de téléphone et l'irruption du pote de son père, sort de son lit et va tendrement se glisser dans le lit de son père qui l'enlace tendrement. Elle est une ado innocente, la preuve, elle suce encore son pouce la nuit.

Mais c'est une jeune fille moderne, bien plus que Martine. Françoise se baigne topless. Elle est plus avenante, un peu plus espiègle que sa copine qui va progressivement disparaître du champ, elle ne sera qu'un personnage lointain mais qui surveille pourtant son père, jetant un œil sur cette aventure estivale envisagée entre lui et Françoise au détour d'un bain de minuit lors d'un mariage gitan au bord de la plage, après avoir dansé et picolé.

Pourtant Pierre restait éloigné des filles. Il dragouillait les dames avec Jacques le soir à la fête foraine, après un tour de tape-cul, ils leur offraient de la barbe-à-papa. Les femmes étaient prises. Alors ils continuent leur chemin, écoute du jazz New Orleans (les Flagada Stompers, un groupe dont le clarinettiste est le voisin de mes parents à la campagne drômoise, je dis pour me la jouer). Ils rentrent bredouilles et quand les gamines arrivent très tard, elles se font engueuler.

De cette nuit découlent deux tensions successives et complémentaires. La tension sexuelle entre Françoise et Pierre. La première étreinte est filmée sobrement. Dans une ambiance nocturne, dans la mer. Sans musique, histoire de ne pas appuyer sur le scabreux. Mais c'est le jeu de Jean-Pierre Marielle qui détonne, il joue en sourdine dès que cet acte a lieu, ce qui se voit encore plus avec le jeu explosif de Victor Lanoux.

Le personnage de Victor Lanoux est sujet à des accès de colère notamment à cause de son épouse qu'il accuse de le faire cocu quand lui-même la trompe avec une femme qui fume le cigare. Mais Pierre craint cette colère de Jacques. Là se crée la deuxième tension. Françoise veut tout révéler à son père. Elle provoque Pierre lors d'une sortie à la plage. Derrière une dune, elle veut qu'il l'embrasse, parce qu'il refuse, elle va tout dire.


C'est un peu étrange de voir le film aujourd'hui. J'ai complètement oublié le remake de 2015 produit par Thomas Langman, mais cette version d'Un moment d'égarement cherche à rester neutre le plus possible, pour ne pas dire clinique (La Mâle du siècle versait dans le grotesque, ce qu'évite de justesse Claude Berri ici), avec une fin ouverte, trop ouverte pour certains critiques de l'époque. C'est peut-être grâce à ce ton que le film se regarde encore un peu.


























1 commentaire:

Jacques Boudineau a dit…

Revu il y a un an ou deux et plutôt
agréablement surpris. Le film sait
se tenir, il ne verse jamais dans
une trop grande facilité.
Je crois que le dernier film de
Stanley Donen était un remake; cela
s'appelait "C'est la faute à Rio",
avec Michael Caine.