Finalement,
et je ne m'en souvenais pas depuis la dernière fois que j'ai vu
Opération Dragon
il y a 7 ans, Bruce Lee apparaît peu dans son film. Outrage ultime,
il est à égalité dans le générique d'ouverture avec John Saxon,
les deux noms sont l'un à coté de l'autre. L'opération consistait
pour Bruce Lee à étendre sa notoriété en dehors de l’Asie. Mais
j'imagine que Warner Bros voulait s'assurer le succès avec un acteur
américain.
Pour
faire ses preuves au public occidental (puisque le public asiatique
est déjà conquis), il faut à Bruce Lee commencer son film par une
démonstration de son art martial. Le public dans le film est un
parterre de moines Shaolin L’adversaire contre lequel Lee se bat
est Sammo Hung. Ils sont tous les deux en slip noir, les rendant un
peu ridicules. Puis, Lee s’entretient longuement (en anglais, car
le film est entièrement en anglais) avec son sifu
(Roy Chiao).
Ils
causent philosophie tandis qu’ils marchent lentement dans un
jardin. On n'en est pas à un cliché près. Déjà, les moines
Shaolin, c'était limite couillon, mais le mot Shaolin est emprunt de
mystique asiatique. Enfin, Lee donne un cours à un apprenti. En
faisant suivre ces trois scènes, le film démontre que le personnage
et donc l’acteur Bruce Lee, possède une force mentale et physique
indépassables, que l’une ne va pas sans l’autre et que la
première force aide la deuxième à vaincre les adversaires.
Après
avoir combattu loyalement son condisciple, Lee va relever le défi de
se battre contre d’autres adversaires dans une compétition
organisée sur une île par Han (Shih Kien), ancien moine renégat.
Lee s’y rend comme agent infiltré pour la police de Hong Kong. Le
film tente de prendre un versant de récit d’espionnage à la James
Bond. Lee doit enquêter sur un éventuel trafic de drogue dont Han
serait à la tête. Han a un chat blanc comme dans son James Bond.
Pour
tout dire, cette partie d’Opération
dragon a
considérablement mal vieillie tant les enjeux restent superficiels.
Au récit s’ajoute un désir de vengeance. Lee a appris que l’un
des gardes du corps de Han, le terrifiant O'Hara (Bob Wall) est
responsable de la mort de sa petite sœur. On découvre son calvaire
dans un flash-back tandis que Lee se rend en bateau sur l’île. Là,
il aura comme agent de liaison la belle Mei-lin (Betty Chung), agent
infiltré.
Les
décors ont une grande importance dans le film. On passe des
bidonvilles de la baie de Hong Kong au riche palais de Han, ultra
kitsch saturé de couleurs vives. La scène de repas où tous les
invités se bâfrent avec à leurs pieds des jeunes femmes tandis que
deux sumotori s’affrontent, est là pour contraster avec la rigueur
de Shaolin présentée en début de film. Han possède un musée de
la torture et une pièce mauve où ses filles se font tatouer. C'est
dire sa perversité.
Chaque
combattant a sa propre raison d’aller remporter le tournoi.
Williams (Jim Kelly) est victime du racisme ordinaire (deux flics
blancs l'arrêtent pour aucune raison, déjà en 1973). Roper (John
Saxon) a des dettes d’argent. Parsons (Peter Archer) aime se battre
et humilier les Chinois. Elaborés sur un mode humoristique où Roper
et Williams parient sur le vainqueur, les combats restent de simples
démonstrations de boxe.
Parmi
les hommes costauds de Han, ceux sur qui il peut compter pour laminer
ses adversaires, on peut compter sur Bolo Yeung. L'acteur
hongkongais, bodybuildé ne dit pas un seul mot de tout le film, mais
il se bat, toujours torse nu, avec force. C'est amusant de voir
l'opposition physique entre Bolo Yeung et Bruce Lee - plus
impressionnante que celle avec Sammo Hung qui n'était pas encore
avec le corps qui fera plus tard sa réputation.
Ce
n’est finalement qu’au bout d’une heure de film que Lee
commencera à entrer dans le tournoi. Son adversaire est O’Hara, le
sbire balafré de Han qui a tué sa sœur. Sa vengeance peut enfin
s’accomplir. Le combat est relativement court, environ trois
minutes. Bruce Lee donne ses coups avec précision en poussant ses
petits cris tandis qu’O’Hara déshonore son patron en cherchant à
piéger Lee, notamment en voulant l’attaquer avec des tessons de
bouteille. Le lâche.
Il
reste à Lee à mener sa mission anti-drogue. Il pénètre dans les
sous-sols de la demeure, se met torse nu, actionne son nunchaku et
frappe les gardiens. Il rentre alors en transe bombant tous les
muscles de son corps et de son visage. Le dernier combat est le plus
beau. Lee se bat dans une salle aux murs en miroir. L’image de
Bruce Lee se démultiplie à l’infini et, avec elle, les mouvements
de son corps telle une chronophotographie d'Etienne-Jules Marey.
C'est sublime.
C'est
d'autant plus étonnant que les autres combats sont relativement
bâclés. Juste avant ce final, Mei-ling libère tous les prisonniers
de Han (en tuniques noires) qui se rue du sous-sol à l'extérieur
pour se battre contre les hommes de Han (en tuniques blanches). Le
combat est illisible et grossier. Seule cette astuce des différentes
tuniques permet de comprendre ce qu'il se passe. Si ce n'est qu'à la
fin les gentils gagnent contre les méchants.
La
délicate musique de Lalo Schifrin, tout en notes aiguës et
stridentes, permet à la fois de faire passer quelques scènes
poussives et de rendre meilleurs certains combats, disons moins
ennuyeux, il ajoute une pointe de tension. Robert Clouse, en bon
tâcheron, a utilisé les images tournées par Bruce Lee mais non
montées pour Le
Jeu de la mort et
tenté, en vain, de renouveler le succès d’Opération
dragon avec Jackie Chan
dans Le
Chinois.
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