Pour
son premier plan, Delphine Seyrig apparaît dans l’entrebâillement
d'une porte, dans une pénombre qui fait surgir ses lèvres rouge vif
derrière une voilette, les cheveux ondulés comme Miriam Hopkins.
Elle est là comme extirpée des années folles. Une discussion avec
le maître d'hôtel où elle se rend lui dit qu'elle n'a pas bougé
d'un trait depuis 40 ans. Elle n'est pas seule, elle vient avec Ilona
(Andrea Rau) une jeune femme à la coiffure Louise Brooks.
Toutes
les entrées de Delphine Seyrig se font avec lenteur, chaque fois
dans une robe de soirée éclatante, colorée, blanche, brillante,
avec des plumes au col. Le décor est celui d'un hôtel gigantesque
d'Ostende en plein hiver, quand les nuits sont plus longues que les
jours. Personne n'est là, seul ce maître d'hôtel, Pierre (Joris
Collet) tient la boutique. Un immense escalier sert de passage entre
la réalité et l'horreur vécue comme une longue série de rêves.
Elle
vit la nuit et s'intéresse à un jeune couple, Valérie (Danielle
Ouimet) elle est suisse, Stefan (John Karlen) il est anglais, ils
viennent de se marier. Ils passent là leur lune de miel. Il fuit sa
« mère » (on verra avec étonnement qui est cette
« mère », dommage que le cinéaste ne creuse pas plus
cette étrange relation, elle reste mystérieuse). La mariée pousse
son époux à appeler cette mère anglaise, il s'y refuse sans donner
de raison.
La
femme aux lèvres rouges brusque la rencontre avec le couple, elle
les vampirise de sa présence lors d'un apéritif où elle boit un
cocktail vert. Elle est la comtesse Elizabeth Bathory, une
aristocrate hongroise et traîne avec elle toute la légende des
« ghoul ou vampire » comme elle le confesse plus tard.
Des crimes atroces sont commis à Bruges, les victimes sont vidées
de leur sang. Stefan et Valérie vont voir sur place, ils pétrifiés
d'horreur.
Un
peu maladroitement, le film cherche à repousser au plus tard
possible ce que tout le monde avait compris, c'est bien entendu la
comtesse et Ilona qui sont les buveuses de sang. Alors c'est vrai que
ça traîne un peu, que les deux jeunes ne jouent pas très juste,
qu'ils mettent du temps à se laisser prendre par la comtesse. Cela
procure quelques scènes érotiques (il y en a une dès le prologue)
qui ont passablement vieillies.
Ilona
comme Valérie veulent fuit l'hôtel, la première parce qu'elle que
l'emprise qu'exerce sur elle la comtesse n'a que trop durer, elle ne
peut pas s'en aller en plein jour, le soleil la tuerait. La deuxième
parce qu'elle ne saisit pas l'attraction de la comtesse, elle pense
en premier lieu qu'elle veut Stefan. Lui sans doute a cerné la
vampire qu'est Elizabeth, peut-être parce que sa « mère »
lui fait subir la même chose (je le vois un peu ainsi).
Ça
faisait un bon bout de temps que j'attendais de voir Les Lèvres
rouges et l'attente a été à la hauteur de ma déception. Sauf
dans le dernier quart d'heure où le destin s'accélère et le
cauchemar détruit les personnages, à peu près rien ne me met en
appétit sauf la fascinante beauté de Delphine Seyrig, mais ça
n'est pas un scoop, avec la Fée de Peau d'âne, c'est un
doublet de personnages tirés du Merveilleux, elle est merveilleuse.
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