samedi 13 juin 2020

All that jazz (Bob Fosse, 1979)

The lights are always bright on Broadway, there's always magic in the air. L'entraînante chanson de Georges Benson illustre les auditions pour le prochain spectacle de Joe Gideon (Roy Scheider), illustre metteur en scène de Broadway. Il est sur le bord de la scène du théâtre, les danseurs et danseuses en maillot de peau, t-shirt, débardeurs, short, collant préparent leurs mouvements chorégraphiques. Plus les mouvements sont complexes, moins il reste de candidats. Ça a beaucoup écumé.

C'est un moyen très simple de montrer les artistes qui seront dans le reste du film. Ils ne seront jamais vraiment bien traités comme personnage, ils restent des silhouettes, des troisième rôle. Ils ne sortiront pas de leur fonction de danseurs, d'ailleurs, le film sort rarement du théâtre. C'est finalement pas plus mal de ne pas trop savoir quoi que ce soit sur eux, cela confirme la suprématie du metteur en scène, son pouvoir absolu sur les interprètes. Et pour la pièce musicale et dansée qu'il chorégraphie, Joe Gideon en est aussi l'auteur.

En revanche, dans la salle, sur quelques sièges du public, la caméra s'attarde sur les producteurs qui s'ennuient terriblement de ces auditions. Ils sont au milieu de la salle. Au fond, la fille de Joe, Michelle (Erzebet Foldi), une douzaine d'années et sa mère Audrey (Leland Palmer). Elles observent avec plus d'intérêt. Elles dansent toutes les deux, Joe donne des cours à sa fille. Audrey est la star du show, un quadragénaire qui continue de faire des rôles de jeune femme de 24 ans, comme ironise Joe Gideon.

Le film sort rarement du théâtre mais chaque jour des répétitions est scandé et rythmé par une séquence similaire. Joe Gideon se lève, met du Vivaldi sur sa chaîne hi-fi, avale un médicament, prend une douche, s'habille et se regarde dans le miroir. Avec un grand sourire, un peu narquois, un peu malin, un peu blasé, il tend ses mains et sort un joyeux « it's showtime, folks ». Il n'y croit pas mais il y croit quand même, tout le film est dans cette contradiction du personnage de Roy Scheider, il adore son métier mais déteste travailler.

Il bouffe des médicaments le matin et tout la journée il fume des cigarettes. Jamais je n'ai autant de cigarette fumées dans un film, il n'arrête jamais, quand il danse, sous la douche, avec sa fille, avec ses maîtresses. Et ça des maîtresses, des amantes, des coups d'un soir, il en a beaucoup. Il en a tellement que parfois il oublie qu'il a une copine officielle qui vient le découvrir au petit matin avec une jeune femme dans son lit. Comme tous les hommes volages, il est très jaloux. Pour se faire pardonner, il dit « I love you ».

il adore dire « I love you » avec ce même air de gamin, ce même air que celui qu'il a le matin devant sa glace, ce petit air blasé. Angelique (Jessica Lange) lui demande s'il aime dire « I love you ». Il adore ça. Angelique est une vue de son esprit comateux. Joe Gideon fait une attaque cardiaque à force d'épuiser son corps. Pendant tout le film, dans un décor de capharnaüm, Angelique et Joe se rencontrent, elle lui dévoile des pans de son passé. Tout revient par bribes, de son adolescence à aujourd'hui dans un hommage non dissimulé à 8 ½.

Ces monceaux de passé sont des souvenirs brutaux. Ils dépeignent un homme peu aimable mais amoureux constant. Il a beau être un metteur en scène de Broadway au succès incroyable, il a des tares profondes que chaque personnage de sa vie vient décliner dans des numéros chantés, notamment les trois femmes de sa vie. Bob Fosse filme ses séquences avec Michelle sa fille, Audrey sa femme et Katie (Ann Reinking) sa petite amie comme dans une comédie musicale des années 1950 devant des décors épurés.


Pourtant, rien ne peut satisfaire Joe Gideon si ce n'est le film qu'il est train de monter. Un documentaire sur un comédien de stand-up, un comédien cynique (Cliff Gorman). Il passe beaucoup de temps sur ce film, souvent avec la même séquence qu'il se repasse ad libidum. Le tout compose une version, parfois kitsch, parfois épuisante devant tant d'agitation, très autobiographique de la vie de Bob Fosse qui se démenait avec ses femmes pendant qu'il tournait Lenny avec Dustin Hoffman et mettait en scène le musical Chicago pour Broadway.



























1 commentaire:

Jacques Boudineau a dit…

J'adore ce film. Il y a quelque chose de fascinant
dans la cohabitation du succès, de l'épuisement
et de la mort, montrés ici sans aucun glamour ni
romantisme. Roy Scheider immense.