En
juillet 2009, j'avais programmé une demi-douzaine de courts-métrages
de François Reinchebach, tous issus d'un fond laissé par Laurence
Braunberger à la Cinémathèque de Grenoble. Il n'y avait pas ces
deux films personnels et amateurs du cinéaste jusque là
relativement inconnus. Encore une fois, c'est la plate-forme Henri
qui les propose. Le premier est appelé Nus masculins tout en
couleur et sans son, le second Last spring est en noir et
blanc et musical.
Nus
masculins porte un titre relativement trompeur. Effectivement,
Reichenbach filme de jeunes garçons nus ou à moitié nus, bref peu
habillés, comme des statues antiques. Il ne filme aussi habillés à
la mode de 1954, jean', t-shirt près du corps, chemise. Ceux-là
sont surtout en ville où c'est plus simple de filmer ses gars. Ils
sont un peu à New York, un peu en Californie, un peu à Paris. Ils
posent comme des jeunes premiers, inspirés par Marlon Brando ou
James Dean.
On
les trouve à Central Park tenant des ballons multicolores et surtout
au milieu des champs qui regorgent de fleurs estivales (camélias,
cosmos, roses etc), au bord de rivières, de cascades, au milieu de
statues. Les couleurs sont sublimes mais il est plus attiré par les
corps qu'il érotise, c'est-à-dire qu'il les rend voluptueux et
désirables. Il faut dire qu'il n'a choisi que des beaux mecs, bien
propres sur eux, fleurant bon avec les clichés et le conformisme.
Mais c'est joli à regarder.
Dans
Last spring, Reinchenbach s'essaie à la fiction. Un sujet :
le manque quand l'autre n'est pas là. Deux jeunes gars, là encore
habillés comme Marlon Brando dans L'Equipée sauvage, s'aiment d'un
amour tendre. Ils se content fleurette, se caressent tendrement au
lever du matin. Mais l'un d'eux doit quitter la ferme du New Jersey
du deuxième pour aller à New York. Et le deuxième passe son temps
à attendre en vain une carte postale, chaque matin il va à la boîte
aux lettres.
S'allongeant
à l'ombre d'un magnolia, il se met à rêver de son amoureux, rat
des villes et rat des champs se retrouvent en songe dans une
fantaisie érotique largement inspirée des images de Jean Cocteau.
Alors, c'est un peu cucul la praline mais c'est tellement rare de
voir une histoire d'amour gay dans les Etats-Unis de 1954 avec une
volonté évidente de faire, enfin, une histoire qui se termine bien,
que le film vaut le coup d’œil.
Parce
qu'à l'époque, on ne rigolait pas avec les amours masculines, elles
étaient automatiquement censurées. Ce qui enchante est le premier
degré de ces plans, dans les deux films. La candeur de filmer les
corps de ses amis ou de ses mannequins libres de faire ce qu'ils
veulent devant la caméra est très beau. Ce sont deux films riches
sur la communauté gay vue frontalement sans les filtres de
l'autocensure habituelle. De vraies raretés jamais montrées, à
peine montées, deux inédits.
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