Tout
en blanc, veste, pantalon et chaussures, valise comprise, Chen Zhen
(Bruce Lee) traverse la nuit noire sous une pluie battante pour
retourner dans l'école de kung-fu Jingwu Mun à Shanghai. D'où
venait-il avec son costume occidental, cela n'est jamais précisé
dans La Fureur de vaincre mais le contraste de couleurs, presque du
noir et blanc, entre la nuit et le blanc immaculé est saisissant.
C'est ainsi que Bruce Lee entrait dans la légende du cinéma de Hong
Kong.
Longtemps
La Fureur de vaincre n'a été visible qu'en version tronquée,
raccourcie et pourvue d'une version française peu recommandable.
C'est ainsi que beaucoup de gens ont vu le film. Il aura fallait
attendre 30 ans, l'été 2003, pour enfin voir le film en vrai. Il
était sorti dans quelques salles avec ses autres films adultes,
puisque avant sa carrière à la télé américaine (la série Le
Frelon vert), Bruce Lee a beaucoup fait de mélo à Hong Kong
lorsqu'il était enfant.
C'est
le deuil dans l'école de son maître, ce dernier est mort. Pour le
spectateur de Hong Kong de 1972, rien ne bien neuf, il en a vu des
films de kung-fu qui commence par une mort avec l'un des disciples
qui va venir le venger, c'est un classique du genre. En revanche, ce
qu'il découvre sur l'écran, ce sont des acteurs qui parlent pour la
première fois en cantonais, leur langue natale. Les films étaient
généralement en mandarin, la langue de Pékin.
C'est
une révolution qui se met en matche avec ce film et qui lui a valu
un immense succès. Et cela va tout à fait dans le sens du scénario
du film. On est loin des Rage du tigre, des Hirondelles d'or, des
Justicier de Shanghai tous franchement déconnectés des réalités
de l'époque, non pas parce qu'ils sont des films en costumes situés
dans des périodes de l'histoire chinoise ancienne, La Fureur de
vaincre l'est aussi, mais parce qu'il en appelle à des sentiments
patriotiques.
Ce
sentiment arrive le soir-même avec des Japonais qui viennent narguer
les membres de l'école. Ils « offrent » un panneau sur
lequel il est écrit en chinois « la maladie de l'extrême
orient ». C'est une provocation, une insulte, un défi. Chen
Zheng a du mal à garder son calme. Son impulsivité passe par son
visage qui se tend, ses traits se crispent, ses yeux remplis de
colère. Bruce Lee joue beaucoup de son visage qui vient
régulièrement prendre tout l'espace du cadre.
Ce
Shanghai du début du 20e siècle est celui de la colonisation de la
Chine. Plusieurs fois dans les dialogues il est indiqué que l'école
est au centre d'une concession accordée au étrangers. Les plus
puissants sont les Japonais. Ils vivent dans une totale impunité. Le
maître de Chen Zhen n'est pas mort de vieillesse, il a été
empoisonné. Le jeune disciple, qui entre temps a troqué son costume
blanc pour un habit traditionnel sombre, entend une conversation des
traîtres.
Même
si le jeune homme avait reçu l'ordre de ne pas se venger, Chen Zhen
va dans le dojo des Japonais pour les affronter sur leur propre
terrain. Voici le corps de Bruce Lee qui se met enfin en action. Il
retire sa veste pour dévoiler son torse nu finement musclé face au
Japonais qui restent en kimono. Puis, c'est le petit mugissement de
l'acteur qui se fait entendre dans une confrontation qui s'approche,
lui seul contre tous les Japonais.
Il
ne les regarde jamais, il détourne toujours les yeux des leurs. Il
annonce ainsi son profond mépris. C'est aussi qu'il regarde
ailleurs, plus bas, les poings et les pieds de ses adversaires, ce
sont là que se trouvent les armes des combattants. Puis Chen Zhen
sort son nunchaku qu'il manie avec une extrême dextérité. Il donne
des coups forts tout en gardant son calme. Dans le cadre, Bruce Lee
est au centre presque immobile tandis que les autres tournent autour
de lui.
Une
scène clé arrive dans la première demi-heure, celle du parc public
où un panneau indique l'interdiction d'entrée au chiens et aux
Chinois. J'avais déjà analysé la séquence dans mon blog
AsieVision. Chen Zhen est humilié en public par des Japonais, l'un
d'eux (Yuen Wah), lui dit que s'il veut entrer dans le parc, il n'a
qu'à se mettre à quatre pattes. Il ne le fera pas, au contraire, il
saute en l'air et détruit la pancarte raciste avant d'être acclamé
par des compatriotes.
Je
passe sur le scénario qui consiste à des représailles suite aux
coups de sang et de poings de Chen Zhen. Bruce Lee se déguise
plusieurs fois pour piéger les Japonais, d'abord en marchand de
journaux, puis en employé de téléphone. Bruce Lee cherche aussi
ici à prouver qu'il est un acteur complet. C'est aussi pour cela
qu'une romance est racontée, une amourette avec sa fiancée (Nora
Miao), la seule qui sait où il se trouve quand il fuit la police
expédiée par les Japonais.
Dans
le dernier combat où il assouvit enfin sa vengeance, on peut voir
une image marquante de Bruce Lee, son moulinage des mains et des bars
au ralenti. Comme si sa puissance était démultipliée et sa
victoire inéluctable. Il est partout et invincible. Je ne ma
rappelais pas à quel point le film est noir, totalement désespéré.
Certes on trouve des gros clichés dans ce récit bien amené, rempli
de rebondissements tout en gardant une cohérence, c'est le meilleur
film de Bruce Lee.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire