L'art
du titre est vraiment celui de Godard. Ici, ça n'est pas moins
l'assemblage de mots que ces simples parenthèses autour de la vie
qui ne vont ensuite cesser d'être reprises et utilisées pour à peu
près tous ceux qui veulent parler de Godard. Sauve qui peut (la vie)
est ainsi un titre de film qui apparaît dans un générique sur un
ciel bleu parsemé de nuages qui traversent le cadre. Un panoramique
suit le flux des nuages, direction de Lac Léman.
Après
des années d'errance politique (de La Chinoise à Ici et ailleurs), après ses bidouillages vidéo à Grenoble et pour la
télé (Numéro deux, Comment ça va, Sur et sous la
communication, France tour détour deux enfants), il faut
revenir à des choses simple : la Suisse et la vie jusque là
largement entre parenthèses dans ses films précédents. Et des
acteurs. Jacques Dutronc, lunettes sur le nez et cigare au bec joue
Paul Godard. Il fait des films, ou plutôt il aimerait faire des
films.
Ce
Godard de cinéma, moins vrai que nature, téléphone à ses
producteurs – une récurrence, Yves Montand le faisait dans Tout va bien, Jean-Luc Godard le fera dans Soigne ta droite –
pourtant, il finit par donner des cours de vidéo dans un lycée. Sur
le tableau de la salle de classe, on lit en lettre majuscules,
l'écriture de Jean-Luc, « CAÏN ET ABEL CINEMA ET VIDEO ».
Les deux frères ennemis de l'image, le deuxième tue le premier.
L'acteur
vedette est Dutronc, les deux actrices sont Nathalie Baye et Isabelle
Huppert. Cette deuxième fera l'année suivante Passion, son
plus beau film des années 1980, la première fera Détective.
Deux titres en un seul mot, comme un programme au lieu d'une phrase
lancé tel un slogan : Sauve qui peut (la vie), Je
vous salue Marie, Soigne ta droite. Chacune sa partie,
avant qu'enfin elles ne se rencontrent.
Nathalie
Baye est la femme de l'extérieur jour. Elle traverse les paysages
suisse du canton de Vaud en vélo, longeant le lac. Jean-Luc Godard
ralentit sa caméra jusqu'à l'image fixe où les arbres derrière
Nathalie. Il crée sur l'écran un tableau impressionniste. Jadis il
posait sur les murs des chambres de ses actrices des reproductions de
tableau d'Auguste Renoir, dans Sauve qui peut (la vie), il les
invente en mouvement arrêté.
Isabelle
Huppert est la femme de l'intérieur nuit. Elle erre dans les
couloirs des hôtels pour se prostituer. Elle tombe sur des vieux
clients qui veulent caresser son cul (Fred Personne) ou qui veulent
être maquillés (Roland Amstutz). La domination de l'homme, la
possession du corps de la femme, c'est la lutte des classes par la
prostitution, vieux thème des films de Godard, ici encore plus
sinistre que d'habitude.
Les
deux femmes, Isabelle et Nathalie se rencontrent finalement pour
vivre ensemble, pour devenir colocataires. On ne peut difficilement
faire plus simple. Elles se rencontreront dans une voiture, c'est ce
moment que Jean-Luc Godard choisit pour enfin leur faire esquisser un
sourire. Jacques Dutronc se fait renverser par une voiture, dans
l'indifférence générale. Le film aurait aussi bien pu avoir comme
titre Sauve qui peut (les femmes).
2 commentaires:
C'est quoi ces images toutes tordues, Monsieur Dor'El.
Vous ne désanamorphonez pas la copie pour la projection ?
Mon petit logiciel de captures d'images en fait qu'à sa tête en ce moment. Il prend les images comme si c'était du 1:37. Quel scandale !
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