samedi 8 février 2020

Sauve qui peut (la vie) (Jean-Luc Godard, 1979)

L'art du titre est vraiment celui de Godard. Ici, ça n'est pas moins l'assemblage de mots que ces simples parenthèses autour de la vie qui ne vont ensuite cesser d'être reprises et utilisées pour à peu près tous ceux qui veulent parler de Godard. Sauve qui peut (la vie) est ainsi un titre de film qui apparaît dans un générique sur un ciel bleu parsemé de nuages qui traversent le cadre. Un panoramique suit le flux des nuages, direction de Lac Léman.

Après des années d'errance politique (de La Chinoise à Ici et ailleurs), après ses bidouillages vidéo à Grenoble et pour la télé (Numéro deux, Comment ça va, Sur et sous la communication, France tour détour deux enfants), il faut revenir à des choses simple : la Suisse et la vie jusque là largement entre parenthèses dans ses films précédents. Et des acteurs. Jacques Dutronc, lunettes sur le nez et cigare au bec joue Paul Godard. Il fait des films, ou plutôt il aimerait faire des films.

Ce Godard de cinéma, moins vrai que nature, téléphone à ses producteurs – une récurrence, Yves Montand le faisait dans Tout va bien, Jean-Luc Godard le fera dans Soigne ta droite – pourtant, il finit par donner des cours de vidéo dans un lycée. Sur le tableau de la salle de classe, on lit en lettre majuscules, l'écriture de Jean-Luc, « CAÏN ET ABEL CINEMA ET VIDEO ». Les deux frères ennemis de l'image, le deuxième tue le premier.

L'acteur vedette est Dutronc, les deux actrices sont Nathalie Baye et Isabelle Huppert. Cette deuxième fera l'année suivante Passion, son plus beau film des années 1980, la première fera Détective. Deux titres en un seul mot, comme un programme au lieu d'une phrase lancé tel un slogan : Sauve qui peut (la vie), Je vous salue Marie, Soigne ta droite. Chacune sa partie, avant qu'enfin elles ne se rencontrent.

Nathalie Baye est la femme de l'extérieur jour. Elle traverse les paysages suisse du canton de Vaud en vélo, longeant le lac. Jean-Luc Godard ralentit sa caméra jusqu'à l'image fixe où les arbres derrière Nathalie. Il crée sur l'écran un tableau impressionniste. Jadis il posait sur les murs des chambres de ses actrices des reproductions de tableau d'Auguste Renoir, dans Sauve qui peut (la vie), il les invente en mouvement arrêté.

Isabelle Huppert est la femme de l'intérieur nuit. Elle erre dans les couloirs des hôtels pour se prostituer. Elle tombe sur des vieux clients qui veulent caresser son cul (Fred Personne) ou qui veulent être maquillés (Roland Amstutz). La domination de l'homme, la possession du corps de la femme, c'est la lutte des classes par la prostitution, vieux thème des films de Godard, ici encore plus sinistre que d'habitude.


Les deux femmes, Isabelle et Nathalie se rencontrent finalement pour vivre ensemble, pour devenir colocataires. On ne peut difficilement faire plus simple. Elles se rencontreront dans une voiture, c'est ce moment que Jean-Luc Godard choisit pour enfin leur faire esquisser un sourire. Jacques Dutronc se fait renverser par une voiture, dans l'indifférence générale. Le film aurait aussi bien pu avoir comme titre Sauve qui peut (les femmes).



























2 commentaires:

Jacques Boudineau a dit…

C'est quoi ces images toutes tordues, Monsieur Dor'El.
Vous ne désanamorphonez pas la copie pour la projection ?

Jean Dorel a dit…

Mon petit logiciel de captures d'images en fait qu'à sa tête en ce moment. Il prend les images comme si c'était du 1:37. Quel scandale !