« CRS
au mazout. Libérez nos camarades ». Ce sont deux des nombreux
slogans que les habitants de Plogoff scandent lors des
manifestations. La commune du fin fonds de la Bretagne a souffert en
1978 de la marée noire et deux ans plus tard c'est le projet de
dinguos de Giscard de faire une centrale nucléaire au beau milieu de
la Pointe du Raz. On n'avait pas de pétrole mais on avait des idées,
comme le disait la publicité de l'époque encourageant aux économies
d'énergie.
Plogoff
des pierres contre des fusils est le journal intime des
résistants à cette idée d'une centrale nucléaire à cet endroit.
La commune est occupée par les « gardes mobiles » comme
disent les habitantes de Plogoff, les héroïnes du film. Ces gardes
mobiles entourent une camionnette nommée pudiquement « annexe
de la mairie » par le préfet, donc par Giscard. Car le maire
de Plogoff refuse que son hôtel de ville accueille l’enquête
d'utilité publique.
Chaque
jour les femmes de tout âge, grand-mère (l'une d'elle parle
breton), enfant, adolescente, épouse viennent narguer les CRS, ces
fameux gardes mobiles. Elles se placent devant eux, elles leur
demandent s'ils n'ont pas honte, s'ils n'ont pas de mère. Quelque
chose d'euphorisant se passe devant nos yeux, on n'y croit à peine
qu'elles viennent les provoquer ainsi. Certains jeunes CRS craquent,
ils ne supportent l'affrontement.
Les
femmes se réunissent après la bataille dans les cuisines. Elles
discutent de la situation. C'est leur voix que le film enregistre en
priorité. Elles ne manquent pas d'humour pour décrire la situation.
Elles ne manquent pas de courage pour retourner sur le front pour
faire face aux policiers (ils seront bientôt suppléés par des
parachutistes) qui pour l'instant gardent à peu près leur calme,
ils n'osent pas frontalement affronter les femmes.
Ce
sera de courte durée, les tirs de gaz lacrymogène commencent à
envahir le ciel et les champs. C'est le répression policière telle
qu'on l'a connaît encore aujourd'hui (je pense plus aux ZAD de
l'aéroport Notre Dame des Landes, au Center Parc de Roybon). Mais en
1980, Nicole Le Garrec pouvait filmer ces images au plus près de la
marée-chaussée. Elle frôlait les casques, les matraques, on entend
distinctement les ordres d'attaque et de repli sous les huées des
habitants.
Les
actes de résistance montre une collectivité. En début de film, on
voit une chaîne humaine de nuit, quand les CRS sont en train de
dormir. Ils transportent des pierres qu'ils placent sur des carcasses
de voitures. Une fois ce gros tas monté, ils foutent le feu. Le
lendemain cela constitue un obstacle infranchissable. Les CRS devront
passer des heures pour enlever cet amas. Le lendemain ce sera par
exemple un arbre tombé sur la route.
Giscard,
son préfet de police et ce directeur de l'enquête d'utilité
publique n'avaient sans doute jamais cru qu'un peuple de pécores
puisse donner un avis contraire. Le nombre de manifestants ne cesse
de grandir. Après la marée noire, la marée humaine. Quelques
habitants sont arrêtés. Pas de problème, la marée humaine se rend
devant le tribunal et scande ces slogans énoncés plus haut « CRS
au mazout. Libérez nos camarades ».
C'est
une union des résistances qui se met en place. En cette année 1980,
Giscard a eu une autre idée géniale : implanter au Larzac une
zone militaire. Les Bertons aident le Larzac et vice-versa. Cela
aussi c'est très beau dans le film tourné en urgence. Rarement un
tel témoignage m'a semblé aussi juste et réfléchi. Après la
chute largement mérité de Giscard en 1981, ces deux projets,
Plogoff comme Larzac sont abandonnés.
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