Du
début à la fin de Charlot fait la noce, Charlot est
complètement soûl. Pas un seul moment de ces 35 minutes où
l'ivresse et l'alcool ne dirigent ses actes et ses pas. Il agit cette
fois en binôme avec Ben Turpin, aussi alcoolisé que lui, pour
agacer tous ceux qui se trouvent sur leur chemin et en tout premier
lieu, dans les premières scènes, un type d'une classe sociale
apparemment supérieure à la leur, si on compare les tenues de nos
trois protagonistes.
Le
monsieur en chapeau haut de forme et habit de gala se fait embêter
par nos deux ivrognes devant le café où il attend sa belle. Il
faudra qu'un policier vienne se mettre entre lui et eux pour qu'ils
arrêtent de le taquiner. Ce n'est que momentanément. Dès qu'ils
sont tous les trois dans le café, Charlot se montre très facétieux
avec sa canne et s'amuse à faire tomber le chapeau du rupin. C'est
qu'il n'aime pas les bourgeois.
La
canne de Charlot tient encore une fois une place prépondérante dans
le récit. On dirait même qu'elle vit toute seule. C'est d'ailleurs
une dérèglement généralisé des objets qui constitue l'essentiel
du burlesque du film. Les objets (cannes, brosse à dents, chemise,
fontaine, livre) vivent leur propre vie, ils ne tiennent pas compte
de la volonté de Charlot. C'est une idée géniale pour redynamiser
le comique sur l'alcool si présent dans les films de Chaplin.
Peut-être
est-ce tout simplement de pure vue d'esprit embrumé de Charlot qui
fait que les objets vivent malgré eux. Chaque fois cela porte les
gestes et les actes vers un sens proche de l'absurde, et pourquoi pas
vers le surréalisme. Il ne s'agit pas seulement à Charlie Chaplin
de tituber, de gêner ses voisins et les autres clients, tout ce que
touche Charlot semble pris par l'ivresse et s'acharne d'abord sur les
autres puis sur Charlot lui-même.
Le
film marque l'arrivée dans le dernier tiers du film d'Edna
Purviance. L'actrice jouera dans tous les films de Chaplin jusqu'à
L'Opinion publique
(sauf Charlot
rentre tard puisqu'il est
seul). Elle reprend à peu près ce que jouait Mabel Normand dans
Mabel's
strange predicament qui
était la première collaboration entre elle et Chaplin : elle
est vue par Charlot en pyjama et elle a honte, vieux ressort comique
à peine réinventé ici.
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