jeudi 20 février 2020

Faust (Friedrich Wilhelm Murnau, 1926)

La peste, dans Nosferatu elle arrivait en fin de film avec les rats qui contaminent les habitants de la ville, dans Faust, le diable alias Méphistophélès (Emil Jannings) la répandait. Ce sont deux effets en miroir dans les deux films, la voie naturelle bien que provoquée par un vampire et la manière surnaturelle, celle d'une créature omnipotente qui observe d'en haut la ville où s'abat la maladie, un diable enveloppant les humains de sa cape noire. Face à lui, l'ange juvénile tente de l'arrêter, tout blanc, insipide, il ne fait pas le poids dans la lutte entre la Mort et la Vie.

Emil Jannings est l'attraction majeure de Faust mais impossible à Murnau de titrer son film Méphistophélès alors que c'est le diable qui mène le bal, qui est la vedette. Toujours dans cet effet miroir où Max Schreck ne faisait rien, à peine des jeux de regards, l'acteur en fait des tonnes en virevoltant dans le cadre à côté d'autres acteurs hiératiques, il roule de yeux, il affiche des sourires malicieux. Le jeu d'Emil Jannings est l'un des plus beaux exemples d'une incroyable modernité dans un cinéma muet souvent grandiloquent et théâtral à l'extrême.

Plus que cela, Méphistophélès avec toutes ses facéties est sur le ton de la comédie, ce qui surprend d'autant plus que Murnau joue la carte du mélodrame dans les rapports entre le médecin Faust (Gösta Ekmann) et Gretchen(Camilla Horn) alias Marguerite, (Ah, je ris de me voir si belle en ce miroir / est-ce toi Marguerite ?), le couple d'amoureux au centre de l'intrigue. Le vieux médecin qui ne parvient pas à guérir tous les pestiférés et la jeune femme évaporée victime du destin. Le pacte scellé offre une nouvelle jeunesse à Faust afin d'assouvir ses pulsions.

Toujours en miroir avec Nosferatu, le sang scène ce pacte entre le diable et le vieillard qu'est Faust. Il perd sa barbe et la transformation s'accompagne de sa objectification : il est désormais la propriété de Méphistophélès. Cela ne devait durer qu'une simple journée, une journée de plaisirs, de volupté, d'argent qui coule à flots. Murnau reprendra dans City girl cette manière de filmer l'insouciance qu'un homme met à vivre hors de sa classe dans cette journée folle pour séduire la plus belle femme du monde, la Duchesse de Parme.

Ici, Méphistophélès est le metteur en scène de Faust, il utilise les apparitions et escamotages d'objets divers, de figures pour séduire le désormais jeune docteur et le manipuler. Ces simulacres qui se produisent grâce à des effets spéciaux simples (essentiellement des surimpressions et de la transparence) ont pour objectif de préparer le drame qui arrive plus tard. Il se détourne d'un moyen-âge en allant vers le Merveilleux, le conte des mille et une nuits et revenir, comme coup de massue, vers une réalité sordide censée évoquer celle de l'Allemagne de 1926.

C'est ainsi la pauvre Gretchen qui va morfler. Elle est rejetée par toute la communauté, sa famille, les habitants, elle est mise au pilori, condamnée au bûcher après avoir été accusée d'avoir tué son nourrisson mort de froid et de faim quand Gretchen a été abandonnée de tous. C'est une figure habituelle du méo, Murnau se confronte à Griffith et à Victor Sjöström les maîtres du genre. Murnau la filme comme une madone, Faust qui a choisi le diable se sacrifie avec elle pour revenir à l'Amour, avec un grand A et renvoyer Méphistophélès dans les ténèbres.































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