Une
petite maison de campagne d'où sortent Claude (Alain Souchon) et son
fils fils d'une dizaine d'années, Thomas (Thomas Langmann). C'est
l'été, il fait un grand soleil. Joyeux, ils mettent les bagages
dans le coffre de la R5. Puis c'est Alice (Catherine Deneuve) qui
sort sur la route, elle embrasse Claude qui monte dans la voiture.
Les voilà partis. La caméra se pose sur Alice, puis elle s'élève
pour prendre l'ensemble de cette maison, celle d'Alice et sur l'écran
apparaissent les mots « je vous aime ».
Le
titre est à la première personne, il ne sera pas encore une fois
« autobiographique » comme Claude Berri en a tant fait,
même si Alain Souchon se prénomme comme et que son fils joue le
fils de Claude. C'est plutôt un mélange entre la vie privée et
amoureuse de Catherine et l'envie de Claude Berri de rester sur un
récit simple entièrement autour de cette maison entourée d'un
grand jardin et que traverse un petit canal, un havre de paix et de
bonheur qui fait le contour du scénario de Je vous aime.
Tous
les hommes tournent autour d'Alice, elle est le pivot du
film et cette maison est son antre, celle où elle a vécu un moment
avec tous ses hommes. De son plus ancien homme Victor
(Christian Marquand) jusqu'au plus récent Claude en passant
chronologiquement par Patrick (Gérard Depardieu), Simon (Serge
Gainsbourg) et Julien (Jean-Louis Trintignant). Cinq hommes et une
femme. En 1980, la famille recomposée n'est pas encore un sujet de
cinéma mais c'est bien de cela dont il s'agit.
Alice
attend ses anciens maris, compagnons, fiancés, quel que soit le mot
qui est sur ces relations. C'est le soir de Noël et tout le monde
fête Noël ensemble dans sa grande maison. Julien, le compagnon
actuel, a un peu peur de Patrick car il lui a piqué Alice.quand
Patrick arrive, pétaradant avec sa nouvelle compagne et leur jeune
fils, il dit amicalement bonjour à Julien mais ce dernier se prend
un coup de poing de Patrick et tombe à la renverse. Avant que les
images ne reviennent à la maison et à la soirée de Noël.
L'une
des choses qui m'avait le plus impressionné dans Je vous aime était
cette habile construction en courts flash-backs qui retracent les
passés souvent tumultueux des aventures amoureuses d'Alice. On
comprend donc dans ce premier quart d'heure du film qu'elle trompe
Julien avec Claude et qu'elle a jadis trompé Patrick avec Julien. On
ne remonte pas le temps à coups de flash-back, ce sont des souvenirs
qui viennent composer un puzzle de sa vie, des souvenirs à la
première personne qui se juxtapose parfois avec douceur, parfois
avec violence.
Ce
sont les rencontres avec chacun d'entre eux qui sont en douceur.
Celle avec Julien pendant qu'Alice et Patrick prennent des vacances
sur l'île Maurice. Une pluie battante s'abat sur eux, leur jeep est
en panne. Julien vient d'on ne sait où et vient pousser la bagnole à
droite d'Alice. On comprend ce coup de poing de Patrick sur Julien et
que celui-ci tombe dans la piscine. Les vacances seront finies avec
Patrick et elle abandonne Julien.
Douceur
encore quand elle croise le regard de Patrick pour la première fois.
Il est saxophoniste, il deviendra chanteur d'un groupe de punk. Il
était dans un coin lors de l'enregistrement d'une chanson de Simon,
sobrement titrée « Fautive ». une chanson joyeuse mais
qui prendra un autre sens plus tard dans le film quand le pauvre
Simon comprendra que Patrick a pris sa place, mais plus triste pour
Simon, Alice a avorté de leur enfant.
Elle
a deux enfants, un fils Jérôme avec Victor et une fille avec
Patrick. Cette histoire sans enfant avec Simon rappelle celle que
Catherine Deneuve a eu avec François Truffaut. Claude Berri ni
Catherine Deneuve ne l'ont caché. Les disputes entre Alice et Simon
sont épique, violentes, comme les engueulades avec Patrick. C'est la
part sombre des aventures amoureuses d'Alice. Elle a beau les avoir
prévenu que tout pourra vite se terminer, et que tout va se
terminer, ils ne savent pas s'y résoudre.
C'est
dans Je vous aime qu'on entend Dieu est un fumeur de havanes,
ce duo délicat entre Gainsbourg et Deneuve. La musique de Gainsbourg
dans le film ce sont des chansons comiques (« Je suis queue »,
celle de Depardieu, toutes les deux somptueusement vulgaires) mais
c'est aussi une musique instrumentale toute en boucle qui amorce bien
le récit en boucle, en récurrence de Claude Berri. Tout est là
chez le cinéaste ce constant passage entre la délicatesse et la
trivialité, c'est vraiment son film le plus curieux.
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