Il
terminait Mister Dynamite en sautant sur une montgolfière, il
commence sa suite Opération Condor sur un ULM au dessus d'une
île pour, encore une fois, aller récupérer des pierres précieuses
dans la grotte d'une civilisation primitive (la preuve, ils portent
des masques faits de bouts d'écorce). Les « sauvages »
ne sont pas bien méchants. Ils laissent bien volontiers les pierres
à Jackie Chan. Mais comme je le disais, c'est une civilisation
primitive : la preuve, l'eau est pour eux plus sacrée que les
joyaux.
Il
a bu leur eau, il va être poursuivi par eux, comme dans un Indiana
Jones. Cette fois, c'est la référence majeure et Jackie Chan
parvient à se hisser au niveau du modèle. Comme l'archéologue au
fouet, il va traverser la planète pour combattre des nostalgiques du
nazisme. En l'occurrence, il va aller en Espagne puis dans le Sahara
à la recherche d'un trésor nazi. Des tonnes de lingots d'or sont
cachées. À lui de les retrouver avec l'aide, non pas d'Alan Tam –
tant mieux – mais de trois demoiselles.
Il
s'agit pour Jackie Chan d'élargir son public. Il choisit donc une
actrice japonaise (Shoko Ikeda), une actrice chinoise (Carol Cheng)
et une actrice allemande (Eva Cobo de Garcia, look de Madonna période
La Isla bonita). Elles seront les compagnes d'aventure de Jackie
Chan. Ce sont des vraies pots de colle, des godiches qui vont causer
des catastrophes en série (Eva, mitraillette à la main, va détruire
tout un hôtel parce qu'elle ne sait pas s'en servir), elles se
détestent mais elles vont finir par s'apprécier.
Quelques
détails sexy vont pimenter les rapports entre les trois femmes et
notre homme forcément célibataire. Par exemple, pour déconcentrer
ces adversaires, il enlève la serviette autour de la taille de Carol
puis d'Eva quand elles sortent de la douche (elles n'étaient pas
ensemble). C'est un peu lourdingue mais ça reste bon enfant. Elles
l'aiment bien ce super héros qui vient chaque fois réparer les
dégâts qu'elles viennent de causer, il vient remettre la situation
dans l'ordre, tout en sachant pertinemment qu'elles vont continuer à
apporter troubles et catastrophes.
Combiner
l’action et l’humour consiste dans Opération Condor à
élaborer un subtil liant entre les deux genres. Pour ne pas tomber
dans le systématisme et la monotonie, il faut avoir plus que du
savoir faire, c’est désormais une question de génie. Jackie Chan
est bien sûr toujours un héros bondissant. Seulement voilà, pour
bondir, il faut avoir les jambes libres et les pieds sur terre, ce
qui arrive rarement avec les filles. Elles se collent à lui, le
serrent (l'hilarante scène des gourdes d’eau), l’empêchent tout
simplement de tenir debout.
Et
c’est en cela que Opération Condor réussit là où Mister
Dynamite avait en partie échoué. En supprimant le personnage
buddy, il élimine la rivalité amoureuse de pacotille que
Jackie Chan et Alan Tam avaient pour Rosamund Kwan pour aller vers un
burlesque enfantin et primitif. En intégrant trois femmes, il pousse
vers de nombreuses possibilités comiques et des variations infinies.
L'unité du groupe vient avec l'arrivée d'ennemis successifs qui
semblent tous piqués aux Indiana Jones (les vilains arabes, les
affreux nazis, d'autres encore).
Les
meilleurs moments viennent dans les quiproquos, les portes qui
claquent, dans cette longue séquence dans hôtel qu'Eva va détruire,
l’humour vient de tous les côtés : de la crainte des filles,
de la bêtise des méchants, de la gentillesse de Jackie, des
mouvements d’action. Les gags s’enchaînent afin d’atteindre un
sommet d’humour pour finir avec l’explosion finale. L’inventivité
de cette séquence est telle qu’elle mériterait de figurer dans
une anthologie du cinéma de Hong Kong.
Dans
Mister Dynamite, les amazones lui foutaient juste un coup de
pied dans les boules. Ici, c’est plus subtil, comme le montre le
morceau de bravoure d’action dans la soufflerie où les filles sont
incapables d’arrêter la machine infernale qui risque de hacher
menu Jackie. Il vole et devient « Superman » comme il le
dit lui-même. Jackie Chan a toujours eu des soucis avec les femmes
et dans Opération Condor – qui a longtemps été son
dernier film, il finit, après tant de blessures, à enfin reprendre
le dessus.
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