Voir
Kirk Douglas dans un film de Brian De Palma m'a toujours paru un peu
incongru, moins dans Furie que dans Home movies, jamais
vraiment diffusé en France et franchement bizarroïde. Furie
est plus classique et démarre sur les chapeaux de roue, plutôt en
nage crawlée où son personnage, Peter, nage en compagnie de son
fils Robin (Andrew Stevens), tous les deux en maillots de bain. C'est
sur une idée de corps puissants que Furie démarre et de grande joie
de voir un père et son fils se chamailler pour savoir lequel des
deux est le plus fort.
A
peine ont-ils eu le temps de se reposer qu'une bande de terroristes
en keffieh viennent eux aussi du fond de la mer pour tirer à la
mitraillette sur tout ce qui est vivant. Un carton avait annoncé
qu'on se trouvait au Moyen Orient (la séquence a été tournée en
Israël). Ça tire de partout et Peter parvient à s'échapper en
zodiac avant qu'une explosion ne l'élimine sous les yeux de Robin.
En tout cas, c'est ce que le fils croit. Mais le spectateur sait que
tout cela a été commandité par Childress (John Cassavetes) qu'on
avait cru être un ami très proche de Peter.
Quelque
temps plus tard, c'est une autre plage que filme Brian De Palma,
celle de Chicago au bord du lac Michigan. Comme sur la plage du
début, les corps sont à moitié nus, les hommes et les femmes
harassés par la chaleur prennent du bon temps. Là ce sont deux
jeunes femmes qui émergent de la foule des badauds, parmi elles
Gillian (Amy irving) surveillée de près par un type qui détonne
puisqu'il est en costume cravate par cette chaleur, un certain
Raymond (William Finley) qui téléphone d'une cabine qu'il a trouvé
Gillian.
La
grande question de Furie reste donc de savoir ce qui lie ces
deux séquences introductives au-delà de leur approche maritime et
des corps exhibés. Il s'agit de faire se rencontrer Gillian et
Robin, ces deux corps montrées sous toutes les coutures masquent des
cerveaux hors du commun. L'idée du film est là toute bête, une
bataille entre les corps et l'esprit. Car au bout d'une moment où
Brian De Palma explore un certain suspense sur leur lien, on le
comprend vite, Gillian et Robin sont doués du pouvoir de
télékinésie.
Preuves
à l'appui, d'abord avec Gillian qui fait l'expérience avec une
psychiatre, la Docteur Ellen Lindstrom (Carol Rossen). Gillian
parvient, sans aucun effort, à faire bouger un train miniature. Amy
Irving joue ici, comme dans Carrie, une lycéenne. On a donc droit à
une scène où les autres lycéennes se moquent d'elle, comme
elle-même le faisait dans Carrie. Avec un effet de jump cut et de
gros plans, on découvre que Gillian a aussi le pouvoir de faire
saigner les gens. Brian De Palma sera si content de son effet qu'il
le reproduira à l'envi dans son film.
C'est
plus tard dans le film qu'on constate les pouvoirs de Robin.
Contrairement à Gillian, Robin a une grande conscience de l'étendue
de ses pouvoirs et de leur effet destructeur. On s'en aperçoit lors
d'une fête foraine où il fait tourner la roue d'un manège jusqu'à
en éjecter un siège (c'était des Arabes, Robin se venge de la
« mort » de son père). Robin n'a plus besoin de toucher
les gens pour les tuer et il est capable de s'élever dans les airs.
Il a acquis une position de demi dieu, il est devenu une arme aux
mains de Childress.
Le
personnage que compose John Cassavetes est de plus en plus inquiétant
au fur et à mesure du film. Brian De Palma s'amuse à la filmer en
contre-plongée, son regard est d'une noirceur extrême. Son corps
est abîmé, Peter dans la séquence d'ouverture l'avait blessé au
bras. Avec son costume sombre, il apparaît comme le véritable
monstre du film, lui qui tient prisonnier Robin dans un château loin
du regard des autres. Il veut que Gillian rejoigne son prisonnier.
Quant à Peter, il fera tout pour libérer son fils des griffes de
Childress.
Je
reviens pour finir sur le corps de Kirk Douglas, un corps athlétique.
Dans sa deuxième séquence à Chicago, il est encore en caleçon, il
fuit les hommes de Childress. Il fait des cascades, escalade les
escaliers de secours, traverse les voies de métro, il court. Il
transforme son corps pour tenter de passer inaperçu (il se blanchit
les cheveux à la javel dans une des rares scènes humoristiques où
il sympathise avec une vieille dame). A lui tout seul, il transforme
un thriller psychologiue en film d'action, c'est vraiment étonnant.
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