Dans
Interstellar, ce pauvre Matt Damon
était abandonné sur une planète glacée. Le film de Christopher Nolan se plaçait
dans un futur de fin de civilisation, Seul
sur Mars de Ridley Scott semble se dérouler aujourd’hui mais dans un monde
où l’homme aurait posé le pied sur la planète rouge depuis des années. Mars
n’est pas habité, seulement étudié par une équipe d’astronautes, hommes et
femmes d’une quarantaine d’années. Quand une terrible tempête menace la mission
et ses membres. Superbe séquence d’ouverture qui commence dans la plus grande
clarté d’horizon (on découvre les lieux avec ses montagnes et son désert
rouges), pour passer à une image ultra saturée par le sable qui empêche de voir
quiconque. Voilà pourquoi les cinq équipiers quittent précipitamment les lieux
dans la capsule spatiale pour rejoindre le vaisseau. Ils croient Mark Watney
(Matt Damon) mort. Comment pourrait-il être vivant compte tenu de la violence
de la tempête ?
Watney
n’est pas mort. Il ne va pas bien, il doit d’abord soigner une vilaine
blessure. Puis, il doit envisager comment tenir, c’est-à-dire survivre jusqu’à
l’arrivée de la prochaine mission sur Mars. Pas moins de 3 ans. Les rations ne
seront pas suffisantes, il faut inventer un nouveau mode de consommation. Le
film se lance dans un défi amusant : faire un documentaire sur
l’agriculture sur Mars. Comment trouver de l’engrais, comment arroser les
plantes, comment trouver des graines, comment fabriquer une serre. Watney
s’enregistre pour la postérité. L’autre défi est de taille : faire savoir
à Houston qu’il est encore vivant. La technologie moderne est obsolète, Mark
Watney et les ingénieurs sur Terre vont utiliser la vieille technologie de la
fin du 20ème siècle. L’ironie est superbe de devoir constater que
les vieilles méthodes et les anciennes manières de faire fonctionnent mieux que
les nouvelles. Symboliquement, ce cher Ridley Scott rappelle qu’il a été un
pionnier du film interstellaire depuis Alien.
Par
son ton placide et parfois ouvertement comique, Seul sur Mars se démarque des films catastrophe qui se passent dans
un voyage intersidéral. Le sauvetage n’est pas hystérique comme dans Apollo 13 de Ron Howard, la métaphysique
new-age qu’on trouvait dans Mission to
Mars de Brian De Palma ou dans Interstellar
est absente, Matt Damon ne fantasme pas sur l’être cher comme Sandra Bullock
dans Gravity, pas de bondieuserie
comme dans Contact, c’est d’ailleurs
le plus étonnant. Deux coups de théâtres morcellent le récit, deux explosions,
celle de la serre martienne et celle d’une navette spatiale sur Terre. Ses
secousses attendues relancent le récit, mais le ton reste le même car la
routine doit reprendre, notre Martien doit trouver de quoi manger et imaginer
comment il va rentrer sur Terre. Les ingénieurs de Houston doivent réparer les
machines. Plus qu’à ces films d’espace, Seul
sur Mars me fait penser à Mad Max
Fury Road, mais en mode inversé. Dans le film de George Miller, un seul
moment de calme rompt la poursuite pour mieux le relancer.
Le
titre français Seul sur Mars rappelle
celui du film de Robert Zemeckis, Seul au
monde. Matt Damon n’est pas seul comme l’était Tom Hanks. Ce dernier
n’avait qu’un ballon comme compagnon. Assez vite, le personnage de Matt Damon
peut communiquer avec la planète Terre. Seul certes mais pas solitaire. Le film
fait un retour sur un concept un peu oublié dans le cinéma américain, celui de
la dernière frontière, celui de la mythologie de la conquête d’un nouvel
univers. Mark Watney est le seul habitant de Mars, en faisant pousser ses pieds
de pomme de terre, il en devient le premier colon, un pionnier de la conquête
spatiale. Il exprime à voix haute cette idéologie, puis enchaine sur l’idée
qu’il est aussi un pirate. Le titre original The Martian, le Martien correspond bien mieux à ce concept de
dernière frontière. Personne n’aurait cru, à ses débuts il y a près de vingt
ans, que Matt Damon pourrait incarner ce genre de personnages, ce héros
typiquement américain. Il faut se rappeler que c’était lui le soldat Ryan à
sauver, finalement rien d’étonnant.
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