Ce
qui frappe le plus dans Fatima c'est sa grande douceur,
Philippe Faucon se met au diapason de son héroïne, personnage
éponyme incarnée par Soria Zerroual. Le film écoute cette voix,
légèrement acidulée, parfois nouée quand elle parle à se filles.
Aucune musique ne viendra troubler cette écoute et cette voix.
Fatima parle aussi à elle-même par le biais d'un journal intime
qu'elle tient en arabe (le scénario est inspiré des écrits de la
vraie Fatima) et que l'on entend en voix off. Là, la voix est plus
sereine, plus maîtrisée, comme apaisée de pouvoir mettre à plat
tout ce qu'elle pense et qu'elle n'ose pas dire à ses filles en
face.
Héroïne,
parce que Fatima est une mère de 44 ans et divorcée. Son ancien
époux s'est remarié. Fatima élève (pratiquement) seule ses deux
filles. Et c'est pas rien. Nesrine (Zita Hanrot), l'aînée a 19 ans,
elle entame des études de médecine. Ce qui veut dire que ça va
durer des années. Des années de sacrifice financier. Souad (Kenza
Aïche), la cadette a 16 ans et elle va au lycée, mais elle préfère
l'école buissonnière avec sa meilleure amie. Deux personnalités
opposées au caractères bien trempés. On est en banlieue de Lyon et
chaque matin, Fatima part faire des ménages puis continue la journée
à faire des ménages et arrive chez elle le soir épuisée.
Fatima
parle très mal français. Entendre les dialogues du film est une
expérience rare. La maman parle arabe, ses filles lui répondent en
français, d'ailleurs tout le monde lui parle en français. Parfois,
un employeur lui demande si elle comprend « oui, oui, je
comprends », répond-elle d'une petite voix. Puis plus tard,
elle explique à ses filles qu'elle ne comprend pas vraiment tout.
Parfois Souad lui mène la vie dure, dans un langage fleuri mais avec
une diction élaborée. La direction d'acteurs ne cherche un
naturalisme forcené, mais c'est très beau à entendre.
Ce
que Fatima ne comprend pas surtout, c'est pourquoi elle doit trimer
autant pour être payer une misère. Le personnage d'Isabelle
Candelier est à ce titre symptomatique de cette commisération. On a
du cœur pour les autres, mais pas trop quand même. Fatima est
douce, mais ses voisines un peu moins. Fatima a beau porter un voile
sur la tête (mais pas chez elle), elle est progressiste. Par contre,
ses voisines se font un plaisir de la faire culpabiliser. Elles
lancent des rumeurs sur le fait que Nesrine n'aurait pas dit bonjour.
« Elle ne supporte pas qu'une femme puisse faire des études ».
La
douceur n'est pas synonyme de naïveté ou de mièvrerie, bien au
contraire. Fatima n'est pas un conte de fées, mais il est
tellement différent des films sociaux récents qu'il faut bien le
signaler haut et fort. Le chantage émotionnel qui fait parfois
figure de critique de la société est absent du film. Pas de scènes
d'engueulade, pas de plans trop jolis, pas de scènes cathartiques où
se dit ses quatre vérités. Fatima est bien complexe que ça,
plus bien simple aussi. Fatima fait confiance au bon sens du
spectateur, il n'a pas besoin de le prendre en otage émotionnel.
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