jeudi 15 octobre 2015

New York New York (Martin Scorsese, 1977)

 
Cette semaine, tout le monde fête Martin Scorsese, rétrospective et exposition à la Cinémathèque Française, Prix Lumière au Festival Lumière de Lyon. Moi aussi, je fête Scorsese en regardant New York New York, l'un de mes trois films préférés du cinéaste new-yorkais. Chacun a ses films favoris, en général le Top 3 tourne autour des même œuvres : Taxi driver, Les Affranchis et After hours, qui fait un grand retour dans le cœur des spectateurs en ce moment. J'aime plutôt New York New York, Raging Bull et Casino, trois films avec un couple formé par un mari autoritaire et une épouse frustrée.

Soit Jimmy Doyle (Robert De Niro) qui rencontre Francine Evans (Liza Minnelli) le 17 août 1945, jour de la victoire sur le Japon (V-J Day). Jimmy troque son uniforme de soldat pour une chemise hawaïenne et file, avec son bagout, draguer les jeunes femmes au bal. Francine porte encore son uniforme, elle est attablée seule tandis que son amie danse dans la salle. Elle résiste à son baratin en ne répondant que « Non » à ses questions. La longue séquence d'ouverture, que je trouve superbe, sur un air de swing (Opus Number One de Sy Oliver) est une superbe entrée en matière comique.

Assez vite, Jimmy et Francine tombent amoureux. Il faut dire qu'il ne la lâche pas d'une semelle. D'ailleurs, j'ai rarement vu un film où les deux acteurs principaux occupent autant le cadre que New York New York, Liza Minnelli et Robert De Niro sont de tous les plans, le scénario se refuse à toute intrigue secondaire. Martin Scorsese se concentre, sur deux heures et trente six minutes de film (dans la version intégrale) sur la romance qui se transforme en mélo poignant et souvent violent, au moins dans les émotions.

Immédiatement, Martin Scorsese montre ce qui sépare Jimmy de Francine, cette chemise hawaïenne face aux belles robes amidonnées, la baratin de l'homme qui veut toujours avoir raison face aux phrases laconiques de sa femme, le saxophoniste de jazz face à la chanteuse de musical, l'improvisation face à la planification des contrats. C'est aussi dans les tenues professionnelles que le couple se distingue, pantalon et veste marrons pour Jimmy, robe noire ou rouge pour Francine. Ce qui le sépare, c'est surtout la tournée qu'entame Francine et qui laisse seul Jimmy.

Il ne supporte pas de laisser la femme qu'il aime (et qu'il n'a pas encore épousée) chanter dans un big band composé uniquement d'hommes. Il va la poursuivre pendant toute la tournée, arrivant chaque fois trop tard dans la ville où elle se produit. Quand il intègre l'orchestre, il est jaloux du succès qu'elle acquière, puis il est furieux qu'elle tombe enceinte. Chaque fois, c'est un chantage émotionnel qu'il lui fait subir suivi d'une réconciliation temporaire. Impossibles d'être en accord, incapables de se séparer.

Tourné entièrement en studio, New York New York ne cherche pas à reproduire le New York des années 1940. Le procédé de Martin Scorsese et de son décorateur sont simples et efficaces. En dehors des scènes de foule dans les salles de spectacle en début et fin de film, les deux acteurs sont filmés en plan américain quand ils ont des scènes de complicité et en plan large lors des scènes de travail. Les décors sont simplifiés au maximum (des rideaux unis, des murs peints aux couleurs vives) et sont vidés de tout meubles et accessoires.

Certains extérieurs forcent l'artificialité, une forêt grossièrement peinte, un coucher de soleil à la torche, un train de carton, une ombre du métro suffisent pour créer le décor. Dans les intérieurs, Martin Scorsese pastiche les toiles d'Edward Hopper, demandant à ses acteurs de ne pas bouger dans le cadre pour accentuer l'effet peinture. Les clubs de jazz sont composés de néons rouges ou de peintures naïves pour évoquer les films que le cinéaste regardait enfant puis adolescent à qui il rend hommage.

New York New York n'est pas une comédie musicale. On y entend de nombreuses chansons, évidemment le célèbre New York New York interprété anachroniquement par Liza Minnelli, qui chante aussi un sublime The Man I Love des frères Gerschwin, Honeysuckle Rose interprété par Dihanne Abbott, l'épouse de Robert De Niro à l'époque). La longue séquence Happy Endings (longtemps absente du montage original) est le morceau de bravoure du film, véritable hommage aux comédies musicales des années 1950. Un film dans le film absolument brillant.

PS : les captures d'écran sont produites à partir du DVD édité par MGM en 2005. Elles sont malheureusement très pixelisées malgré mes efforts. J'espère de tout cœur que le film saura rapidement trouver un DVD à la mesure de sa qualité et du bonheur qu'il procure.




























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