Cette
semaine, tout le monde fête Martin Scorsese, rétrospective et
exposition à la Cinémathèque Française, Prix Lumière au Festival
Lumière de Lyon. Moi aussi, je fête Scorsese en regardant New
York New York, l'un de mes trois films préférés du cinéaste
new-yorkais. Chacun a ses films favoris, en général le Top 3 tourne
autour des même œuvres : Taxi driver, Les Affranchis
et After hours, qui fait un grand retour dans le cœur des
spectateurs en ce moment. J'aime plutôt New York New York,
Raging Bull et Casino, trois films avec un couple formé
par un mari autoritaire et une épouse frustrée.
Soit
Jimmy Doyle (Robert De Niro) qui rencontre Francine Evans (Liza
Minnelli) le 17 août 1945, jour de la victoire sur le Japon (V-J
Day). Jimmy troque son uniforme de soldat pour une chemise hawaïenne
et file, avec son bagout, draguer les jeunes femmes au bal. Francine
porte encore son uniforme, elle est attablée seule tandis que son
amie danse dans la salle. Elle résiste à son baratin en ne
répondant que « Non » à ses questions. La longue
séquence d'ouverture, que je trouve superbe, sur un air de swing
(Opus Number One de Sy Oliver) est une superbe entrée en matière
comique.
Assez
vite, Jimmy et Francine tombent amoureux. Il faut dire qu'il ne la
lâche pas d'une semelle. D'ailleurs, j'ai rarement vu un film où
les deux acteurs principaux occupent autant le cadre que New York
New York, Liza Minnelli et Robert De Niro sont de tous les plans,
le scénario se refuse à toute intrigue secondaire. Martin Scorsese
se concentre, sur deux heures et trente six minutes de film (dans la
version intégrale) sur la romance qui se transforme en mélo
poignant et souvent violent, au moins dans les émotions.
Immédiatement,
Martin Scorsese montre ce qui sépare Jimmy de Francine, cette
chemise hawaïenne face aux belles robes amidonnées, la baratin de
l'homme qui veut toujours avoir raison face aux phrases laconiques de
sa femme, le saxophoniste de jazz face à la chanteuse de musical,
l'improvisation face à la planification des contrats. C'est aussi
dans les tenues professionnelles que le couple se distingue, pantalon
et veste marrons pour Jimmy, robe noire ou rouge pour Francine. Ce
qui le sépare, c'est surtout la tournée qu'entame Francine et qui
laisse seul Jimmy.
Il
ne supporte pas de laisser la femme qu'il aime (et qu'il n'a pas
encore épousée) chanter dans un big band composé uniquement
d'hommes. Il va la poursuivre pendant toute la tournée, arrivant
chaque fois trop tard dans la ville où elle se produit. Quand il
intègre l'orchestre, il est jaloux du succès qu'elle acquière,
puis il est furieux qu'elle tombe enceinte. Chaque fois, c'est un
chantage émotionnel qu'il lui fait subir suivi d'une réconciliation
temporaire. Impossibles d'être en accord, incapables de se séparer.
Tourné
entièrement en studio, New York New York ne cherche pas à
reproduire le New York des années 1940. Le procédé de Martin
Scorsese et de son décorateur sont simples et efficaces. En dehors
des scènes de foule dans les salles de spectacle en début et fin de
film, les deux acteurs sont filmés en plan américain quand ils ont
des scènes de complicité et en plan large lors des scènes de
travail. Les décors sont simplifiés au maximum (des rideaux unis,
des murs peints aux couleurs vives) et sont vidés de tout meubles et
accessoires.
Certains
extérieurs forcent l'artificialité, une forêt grossièrement
peinte, un coucher de soleil à la torche, un train de carton, une
ombre du métro suffisent pour créer le décor. Dans les intérieurs,
Martin Scorsese pastiche les toiles d'Edward Hopper, demandant à ses
acteurs de ne pas bouger dans le cadre pour accentuer l'effet
peinture. Les clubs de jazz sont composés de néons rouges ou de
peintures naïves pour évoquer les films que le cinéaste regardait
enfant puis adolescent à qui il rend hommage.
New
York New York n'est pas une comédie musicale. On y entend de
nombreuses chansons, évidemment le célèbre New York New York
interprété anachroniquement par Liza Minnelli, qui chante aussi un
sublime The Man I Love des frères Gerschwin, Honeysuckle Rose
interprété par Dihanne Abbott, l'épouse de Robert De Niro à
l'époque). La longue séquence Happy Endings (longtemps absente du
montage original) est le morceau de bravoure du film, véritable
hommage aux comédies musicales des années 1950. Un film dans le
film absolument brillant.
PS :
les captures d'écran sont produites à partir du DVD édité par MGM
en 2005. Elles sont malheureusement très pixelisées malgré mes
efforts. J'espère de tout cœur que le film saura rapidement trouver
un DVD à la mesure de sa qualité et du bonheur qu'il procure.
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