Comme
beaucoup de petits Français, j'ai découvert le cinéma américain
de grand divertissement en version française, c'est à dire les
Indiana Jones, les Gremlins, SOS Fantômes, Le Flic
de Beverly Hills, 48 heures, L'Arme fatale et bien
entendu les Retour vers le futur. Toutes ces franchises, je
les ai d'abord vues causer français, j'ai entendu Doc dire « Nom
de Zeus », terme que nous sortions chaque fois que nous le
pouvions, Marty se faisait appeler Pierre Cardin parce que c'était
marqué sur ses sous-vêtements. Je ne pas fétichiste au point de
regarder à nouveau les Retour vers le futur en VF. Le Doc
crie « Great Scott » en VO, sans même que les
sous-titres du DVD Universal ne prenne la peine de traduire « Nom
de Zeus », Pierre Cardin s'est redevenu Calvin Klein. Il faut
dire que la marque était inconnue chez nous en 1985. C'était aussi
le début du placement, encore léger, de produits. Outre Calvin
Klein, prononcé des dizaines de fois, on a droit à Nike, Converse,
Pepsi, JVC (le caméscope) et Aïwa (le walkman).
Marty
McFly (Michael J. Fox) est un lycéen moderne et qui va de l'avant.
Sa famille est un peu minable, donc il n'a pas vraiment de modèle.
Son grand frère et sa grande sœur font des boulots de ratés, son
oncle s'est vu refuser sa libération sur parole. Sa mère Lorraine
(Lea Thompson) boit dès le matin et s'engueule avec son père George
(Crispin Glover), cadre peu dynamique qui passe son temps à regarder
les séries de sa jeunesse envolée et à se faire exploiter par son
nemesis Biff Tannen (Thomas F. Wilson) qui s'avère être son chef au
boulot, chef qui abuse de son pouvoir. Pour échapper à cet
environnement peu enviable, Marty veut devenir star du rock. A cet
effet, son ami Emmett Brown (Christopher lloyd), le Doc en question
plus haut, a installé dans son atelier une enceinte énorme pour
qu'il puisse tranquillement jouer à la guitare. Ce matin du 26
octobre 1985, Marty constate que Doc n'est pas là depuis plusieurs
jours. Le téléphone sonne, le savant fou donne rendez-vous à l'ado
à 1 heure 15 du matin.
Jusqu'à
présent, Robert Zemeckis et son scénariste Bob Gale avaient montré
quelques éléments a priori anodins et qui vont prendre une
importance plus tard. L'élection du maire, le lotissement Lyon
Estate, le skateboard et bien entendu cette pétition pour restaurer
l'horloge du clocher et aussi Ronald Reagan. Le film commence rapidement à s'emballer. Un
test de voyage dans le temps d'une minute pour le chien Einstein, des
terroristes libyens qui viennent régler leur compte à Doc et voilà
Marty qui se retrouve le 5 novembre 1955 dans sa ville de Hill
Valley. Avec la DeLorean et son costume, on le prend pour un
envahisseur de l'espace intersidéral. Jusqu'à présent Marty McFly
allait de l'avant, désormais dans le passé, il recule
littéralement. Michael J. Fox observe cette ville en marchant à
l'envers, stupéfait par ce qu'il découvre : que rien n'a
changé mais que tout est différent. Il rencontre son père jeune,
toujours la victime de Biff, avant la rencontre avec sa mère. Il
rencontre cette dernière dans les trois films de manière similaire,
croyant chaque fois sortir d'un cauchemar.
Retour
vers le futur est un amusant film de science-fiction habilement
construit avec ce suspense qui consiste à craindre une faille dans
le continuum espace-temps (hyper scientifique, n'est-ce pas ?).
Marty vérifie régulièrement si son frère et sa sœur
disparaissent de la photo, signe que son père et sa mère ne se
rencontrent jamais lors du bal. Si le film fonctionne aussi bien,
c'est que Robert Zemeckis ancre son récit dans un genre fécond dans
les années 1980 : le teen-movie avec ses archétypes auxquels
le cinéaste ne déroge pas. Les codes sont tous là. Si on ne savait
pas dès le départ qu'on est dans un film se SF, on pourrait croire
que Retour vers le futur est une version bâclée d'un film de
John Hughes. Que ce soit en 1985 comme en 1955, les rapports entre
les élèves forts (Biff et ses potes) et les faibles (George tout
seul) pour avoir le cœur de la belle sont au centre du récit. Le
point d'orgue étant le bal tant attendu où tout doit se résoudre.
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