Dans
l'une de ses déambulations en Vespa dans Journal intime,
Nanni Moretti signale qu'il n'est jamais allé sur le lieu de
l'assassinat de Pier Paolo Pasolini. Il part donc sur la plage
d'Ostie. C'est l'un des décors principaux d'Ostia le film de
Sergio Citti. Alain Bergala remarquait dans un documentaire sur
Pasolini que cette l'assassinat avait été filmé au cinéma avant
qu'il n'arrive. Ce coup de bâton de Franco Citti sur Laurent
Terzieff était si prémonitoire qu'il figure désormais sur
l'affiche du film.
Tout
est question de folie pure dans Ostia, l'histoire de deux
frères campés par les deux acteurs, deux grands gigues qui vont au
chevet de leur vieille mère dans un hôpital psychiatrique, ce qui
donne droit à quelques images quasi documentaires sur des aliénés
enfermés dans un lieu clos. C'est l'asile de fous en début, ce sera
la maison familiale en milieu et la prison dans la dernière partie.
Les deux frères, aux prénoms peu fréquents, Rabbino et Bandiera
cherchent chaque fois à s'échapper mais n'y arrivent presque
jamais.
Le
grand truc de Sergio Citti pour diriger les deux acteurs, son frère
et Terzieff doublé en italien – ce qui crée un effet pénible,
est typique de 1969, il demande une distanciation qui se retrouve
aussi dans les films de Pasolini de la même période (Porcherie,
Théorème), une psychologie teintée de politique et de
symbolisme. Tout ce joue dans les regards des acteurs souvent filmés
en gros plan et en regard caméra et en décors naturels dans
lesquels ils évoluent. On retrouve Ninetto Davoli toujours aussi
joyeux qui découvre dans un champ, devant un phallus géant, une
jeune femme.
Blonde
comme les blés, Monica (Anita Sanders) semble revenir à la vie et
va divertir les garçons. Elle va s'amuser à travestir Bandiera en
femme brune et Rabbino en femme blonde dans une scène où le miroir
au centre de la pièce prend une grande place. Sergio Citti a une
étrange manière de filmer ses scènes intérieures, il place sa
caméra loin dans un plan d'ensemble qui rappelle les premiers temps
du cinéma, le caractère primitif de la mise en scène. Cela
provoque encore une fois une distance dans le regard du spectateur.
Monica
raconte son souvenir « Savez-vous qui m'a dépucelée ? ».
Rabbino et Bandiera raconte leur souvenir « Comment nous avons
tué notre père ». Deux visions du père sont décrites, l'un
incestueux qui viole sa fille pour la protéger d'un soldat, l'autre
tyrannique qui se prend pour un anarchiste. Il chante une version
italienne de La Marseillaise. Les deux frères enfants, avec
l'assentiment de leur mère déjà allongée dans le lit comme dans
la scène initiale de sa mort, poussent ce père de la fenêtre, il
s'écrase par terre.
Le
sexe, la mort, la politique, la religion sont les motifs principaux
d'Ostia où les contradictions entre ces éléments sont
érigés comme des piliers. Le film est souvent bien dans une posture
intellectuelle oiseuse, tout n'est pas évident et avec le temps ce
qui devait paraître évident ou subtile en 1969 l'est beaucoup moins
aujourd'hui. Restent les scènes finales sur la plage d'Ostie où les
deux frères règlent leur compte à coup de bâton et de coït sur
le bord de plage. Je ne suis pas certain d'avoir tout compris.
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