Coincé
entre deux gros films en couleur et en cinémascope, Le Mépris et
Pierrot le fou, Bande à part avec son noir et blanc et son
format 1:37 n'est pas le film le plus affriolant de son auteur, mais
il a ses fans inconditionnels et il est de plus en plus souvent cité
comme inspiration. Hier en revoyant Simple men de Hal Hartley,
j'ai découvert cette danse entre Elina Löwensohn, Marin Donovan et
Bill Sage dans un café, hommage évident et un peu plus rock 'n roll
que la danse, filmée in extenso, entre Odile (Anna Karina), Franz
(Samy Frey) et Arthur (Claude Brasseur).
Dans
Bande à part, film dont je ne raffole pas pas, c'est le
moment que je préfère. Il dure le temps d'une chanson yé yé,
c'est un madison et il est totalement improvisé. C'est Anna Karina
qui mène la danse, elle adorait danser et les deux hommes (Samy Frey
lui donne son chapeau pour bien montrer qu'elle dirige le trio) la
suivent comme ils peuvent. D'après Antoine de Baecque, tout le monde
a répété comme des malades pour tenir le rythme dans ce plan
séquence qui débarque au bout de 40 minutes, histoire de faire un
long-métrage.
Car
Jean-Luc Godard dans ses petits films créés pour remonter le moral
d'Anna Karina se laisse aller à la fugue, il prend un livre inconnu,
il suit vaguement la trame et poursuit ses acteurs dans des plans
rapprochés en train de discuter et de disserter. Les textes sont
donnés le matin, Jean-Luc Godard ajoute lui-même sa voix notamment
dans cette scène où il coupe plusieurs fois le son de la musique
pour incruster sa voix et ses phrases. Le procédé sera perfectionné
pendant des années pour parfois atteindre l'abstraction la plus
pure.
« Cette
fois c'est le moment d'ouvrir une deuxième parenthèse et de décrire
les sentiments des personnages » entend-on de la bouche du
cinéaste, comme s'il allait ajouter quoi que ce soit sur les
rapports entre Odile, Arthur et Franz. En guise de description, c'est
toujours ces aphorismes qu'il s'amuse à sortir, ces rues mal
éclairées si ce n'est au néon que les personnages traversent et
ces obstacles en tout genre qu'ils doivent franchir et en tout
premier lieu les vitres de la voiture, les murs des maisons, les
rivières qui les séparent du monde réel.
L'autre
moment improvisé, toujours avec la voix de Godard est celui de la
traversée en courant du musée du Louvre. Tout ça pour relever un
record établi un Américain. Là, on est en plan d'ensemble et les
images sont presque volées. Godard a eu un passe-droit mais de
toutes apparences, l'un des gardiens du Louvre n'était pas au
courant. La scène, très marrante, est bien plus courte que dans mon
souvenir, à peine une minute. Elle demeure dans le Panthéon des
meilleures scènes de cinéma dans un musée.
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