Les
Roseaux sauvages avait été produit pas la télévision en 1993,
pour cette fameuse série d'Arte « Tous les garçons et les
filles de leur âge » (quand Arte avait des idées autre que
faire des formats courts) et était ensuite sorti en salle au
printemps 1994. André Téchiné parlait de ses souvenirs, ce n'était
pas la première fois, avec son comparse Jacques Nolot. Cette fois il
parle de son adolescence, de ses 15 ans. Le film répondait à
quelques contraintes pas franchement insurmontables, parler de ses 15
ans et inclure une scène de fête.
C'est
d'ailleurs par un mariage que Les Roseaux sauvages commence.
Une fête, on mange, on boit, on chante, on danse. Le marié invite
la prof d'histoire à danser Madame Alvarez (Michèle Moretti). Il a
une demande à lui faire, il sait qu'elle a de l'affection pour lui.
Il a besoin d'aide, il veut déserter. Elle est au parti communiste.
Elle refuse de l'aider et il partira juste après son mariage et en
reviendra dans un corbillard. C'est ce mariage, cette guerre qui est
dans toutes les conversations et si les adultes vont se battre, ce
sont les jeunes qui en parlent.
On
imagine avec facilité que François (Gaël Morel) est celui qui
représente le plus André Téchiné, qui regroupe ses propres
souvenirs. Probablement. Il va à l'encontre d'une guerre moins
meurtrière que la guerre d'Algérie, celle de ses sentiments pour
ces cothurnes. Le gars avec l'accent du sud-ouest, le sportif Serge
(Stéphane Rideau) qui fait du rugby torse nu comme Henri (Frédéric
Gorny) le pied-noir exilé, vivant sans ses parents partis à
Marseille. Deux jeunes hommes aux tempéraments opposés, aux
opinions divergents, aux histoires contrastées.
Mais
François ne choisit pas ceux pour qui il a de l'affection. Il ne
comprend pas ce qui lui arrive. Alors il ne cesse jamais d'en parler.
Les Roseaux sauvages est l'un des films les plus bavards d'André
Téchiné. François passe son temps à se poser des questions sur
cette passion. Pourtant elle est simple, d'un côté le corps, la
plupart à moitié nu de Stéphane Rideau devenu idole gay après ce
film, de l'autre l'intello cynique et sinistre. Le regard clair et
lumineux de Serge et les yeux baissés et sombres d'Henri. Il faut
qu'il exprime son penchant pour ces deux garçons.
Celle
qui écoute est Maïté (Elodie Bouchez), la fille de Madame Alvarez.
Elle sert dans le film de personnage de passeur, celle qui va d'un
garçon à un autre pour écouter ce qu'il a à dire. François avec
son sentimentalisme, Serge avec ses peurs de rester au pays, Henri
avec sa haine de l'autre. On trouve dans ces trois personnages toutes
les contradictions de la jeunesse. Ils sont plein d'espoir mais ne
savent pas comment accéder au bonheur, ils se sentent coincés, cela
est symbolisé par l'internat dans lequel ils vivent, dans ce lycée
de province.
Ce
qui va les sauver, c'est se mettre à nu, littéralement cela passe
par quelques scènes de sensualité (Serge et François se font
plaisir mutuellement) et surtout par la baignade finale où l'eau les
apaise, les rapproche, les réveille. Je crois vraiment que c'est
dans ces moments que le film est réellement authentique plus que
dans les rencontres politiques (Henri veut brûler le siège du PCF,
il écoute les événements par la radio). Quand le cinéaste filme à
travers les feuillages, dans un clair obscur campagnard ses quatre
acteurs avec d'élégants mouvements d'appareil
Le
film est un peu laborieux dans son premier tiers (le jeu des acteurs
est passable, faut être honnête, le film a quand même pris un
sacré coup de vieux et le jeu hésitant de Stéphane Rideau et
l'horripilante prestation de Gaël Morel n'aident pas) puis devient
plus serein par la suite. Le scénario est très foisonnant,
terriblement romanesque, André Téchiné s'attache à chacun avec
comme idée de mise en scène de varier les duos pour justement finir
dans la rivière à l'approche de l'été où tout finit et tout
commence.
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