Dans
le couple Lipton, les opposés s'attirent. Larry (Woody Allen) adore
le sport, Meurtre mystérieux à Manhattan commence au Madison
Square Garden à un match de hockey, il est palpité par le match
alors que Carol (Diane Keaton) s'ennuie ferme. En échange de ce
match, il a promis d'accompagner sa femme à l'opéra. Il ne tiendra
pas un acte entier, c'est à cette occasion qu'il déclare cette
phrase désormais célèbre « quand j'entends trop de Wagner,
j'ai envie d'envahir la Pologne ».
S'ennuyer
ensemble est ce qui reste à ce vieux couple de bourgeois qui vit
dans un grand appartement au bord de Central Park. Pour Diane Keaton
et Woody Allen, c'est un retour à leur duo dès années après
Manhattan, quelques mois après le scandale de la séparation
entre le cinéaste et Mia Farrow qui a fait tant coulé d'encre alors
que Woody Allen se réinventait avec Maris et femmes en
utilisant la caméra portée à l'épaule pour la première fois.
C'est ce procédé qu'il pratique à nouveau, la caméra va suivre
dans leur vie Larry et Carol.
Il
suffit d'un voisin pour relancer la fiction du film, pour faire de
Carol une enquêtrice qui soupçonne son débonnaire voisin Paul
House (Jerry Adler) d'être un assassin. Ce voisin et son épouse,
Carol et Larry ne les avaient jamais croisés dans leur immeuble,
c'est après le match de hockey sur glace qu'ils se croisent. Larry
ne veut pas aller chez eux, Carol insiste, ce qui permet de vérifier
la topographie de leur appartement, ça servira plus tard quand elle
se faufilera pour chercher des preuves.
Si
elle pense que ce papy a tué sa gentille petite femme, c'est que dès
le lendemain de la mort de cette dernière, il ne semble pas vraiment
en être affecté. Au contraire, il est tout sourire dans la rue, il
les invite même à venir chez eux. Plus tard, en volant les clés au
concierge, elle ira fouiller pendant l'absence du voisin, mais
oubliera ses lunettes chez lui. Ah, l'idiote, il faut trouver un
nouveau prétexte pour aller chez les House et encore inventer une
histoire pour aller dans leur chambre.
Demander
des conseils à des amis. D'abord à Ted (Alan Alda), un proche du
couple, célibataire depuis après son divorce qui relance l'action
en prodiguant des conseils à Carol, au grand dam de Larry. Ce
dernier tente, avec succès, de mettre dans les bras de Ted une
écrivaine qu'il veut publier, Marcia Fox (Anjelica Huston, dans un
de ses meilleurs rôles), une mystérieuse femme aux grandes lunettes
de soleil. Elle jouera au poker avec Larry dans l'une des scènes les
plus drôles, et le film après deux drames, est souvent hilarant.
Autant
le dire, Carol s'invente une histoire de toutes pièces et Larry est
effondré de l'obsession qui grandit chez sa femme. Elle prend des
risques et l'excitation, quasi sexuelle, est à son comble. Meurtre
mystérieux à Manhattan est le film de Woody Allen où il y a le
plus de scènes de chambre, comme si le lit conjugal d'où s'extrait
chaque nuit Carol pour mener ses investigations, était une source de
vie. Et les films qu'ils voient corroborent les soupçons de Carol,
dont Assurance sur la mort de Billy Wilder, la preuve est dans
le film !
C'est
le cinéma qui guide les pas de nos enquêteurs en herbe, le jeu des
citations est permanent dans un slalom entre les clichés purs et
leur réinvention (les filatures, les surveillances dans la voiture
où on oublie d'apporter à manger). Larry se substitue parfois à
Ted ce qui aggrave sa jalousie maladive mais reviendra aider Carol
aux moments les plus dangereux car leur voisin Paul House, en dépit
des apparences, n'est pas un doux agneau, c'est plutôt un saigneur
prêt à tout pour se couvrir.
C'est
ce mélange entre la comédie pure grâce à l'abattage de Diane
Keaton et le film noir dans la plus grande tradition que les récit
de Meurtre mystérieux à Manhattan développe. On traverse la
ville à la poursuite de Ted jusqu'à ce que Carol et Larry ne
traversent le miroir dans le superbe grand finale dans une salle de
cinéma de quartier où est projeté La Dame de Shanghai
d'Orson Welles. C'est cette séquence qui porte Meurtre mystérieux
à Manhattan parmi les classiques de Woody Allen, son dernier
chef d’œuvre.
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