Le
Paris de La Grande vadrouille grouille de résistants.
Partout, dans le parc zoologique de Vincennes, à l'opéra Garnier,
sur l’échafaudage d'un immeuble, personne n'aime l'occupation
allemande et quand trois aviateurs anglais, contraints et forcés par
les tirs de la DCA, se trouvent à sauter en parachute après s'être
perdus en vol, ils atterrissent dans le ciel de Paris et la folle
course poursuite démarre, ce sera à celui qui échappera le premier
aux soldats allemands.
Rien
n'est dit sur cette époque bénie où aucun Français n'était
collabo. C'est qu'ici, on n'est pas encore dans Papy fait de la
résistance, l'autre film comique sur l'occupation et la
résistance secrète. Les deux films, distants de 18 ans seulement,
fonctionnent sur un comique similaire qui file tout le récit, le
conduit pour indiquer que tout cela n'est qu'un gentil simulacre :
le déguisement, le travestissement.
Pour
Martin Lamotte chez Jean-Marie Poiré, ce sera le costume de Super
Résistant, chez Gérard Oury, le premier opposant à l'occupation
est le comédie lyrique de l'opéra qui doit incarner Méphistophélès
dans le Faust. Dans son bel habit rouge de diable, il indique à
trois ou quatre techniciens où et comment installer la bombe qui
doit exploser quand un ponte de la Wehrmacht va venir assister au
spectacle. Le diable pour sauver la France.
On
remarquera dans cette séquence de préparatifs d'un attentat que
tout le personnel de l'opéra semble convaincu de cette cause. Que
personne n'a peur d'agir, ni de s'exprimer, certes tout dans la
discrétion. Mais c'est bien une France unie contre l'occupant qui
est décrite rapidement dans les diverses séquences d'ouverture,
tout le monde sauf nos deux héros, le chef d'orchestre Stanislas
Lefort (Louis de Funès) et le peintre Ausgustin Bouvet (Bourvil).
Le
premier est lui aussi déguisé, il porte une perruque à la
Beethoven et se fait donner du « Herr Kappelmeister » par
le commandant à la recherche des Anglais. Quand Stanislas comprend
que McIntosh (Mike Marshall) le parachutiste est dans sa loge, hop,
il le déguise en élève bien propre sur lui à qui il donne des
leçons de harpe, puis il sera déguisé en jeune femme quand il
faudra le faire sortir de l'opéra.
Augustin
reçoit sur la tête Cunningham (Claudio Brook, l'acteur mexicain
jouait la même année Simon du désert pour Luis Buñuel).
Après une course sur les toits de Paris, Augustin et l'Anglais
débarquent chez une jolie jeune femme Juliette (Marie Dubois) et
pour tromper les soldats allemands, ils se font immédiatement passer
pour mari et femme (l'une de ces scènes où Bourvil s'extrait pour
un court temps de son apparence naïve pour devenir un macho).
Enfin,
pour retrouver le troisième Anglais, Sir Reginald (Terry-Thomas), un
homme à la moustache proéminente – qu'il devra couper, autre
travestissement mais inversé – le peintre et le chef d'orchestre
vont aux bains turcs et se font passer pour des Anglais, chantant Tea
for Two, cherchant un moustachu, la scène flirte avec la drague
homosexuelle quand les deux hommes tournent autour d'un gros
moustachu qui n'a rien demandé.
La
grande vadrouille, la course vers le sud et la France Libre commence.
Encore une fois, un changement de tenues s'effectue quand les quatre
hommes volent des vêtements à des passants (McIntosh travesti en
fille de joie attire les hommes sur le trottoir). Habillés en
civils, pouvant passer inaperçus, ils finissent pour ne pas se faire
prendre par les hommes du Major Achbach (Benno Sterzenbach) par se
faire passer pour des postiers.
Au
fur et à mesure de leur trajet, au fil des séparations et des
retrouvailles, Augustin et Stanislas doivent changer leur identité,
devenir les époux ivrognes de Juliette et de la patronne de
l'auberge (Colette Brosset), porter des uniformes allemands pour
traverser la frontière mais avant cela ils auront le malheur de se
tromper de chambre dans l'hôtel et vont se retrouver dans les
chambres et les lits de ceux qui le traquent.
Face
à tous ces changements, déguisements, travestissements, seuls les
Allemands ne changent pas, toujours obnubilés par les ordres qu'ils
donnent et reçoivent. C'est cela qui va les perdre, ils ne
s'adaptent jamais aux situations contrairement à nos héros français
comme anglais, hommes et femmes courageux qui décident de
ridiculiser l'imposant et intransigeant Major Achbach pour lui
prouver qu'il a toujours tord.
Tous
les Allemands seront ainsi ridiculisés, humiliés (dès le départ
avec ce pot de peinture qui gicle sur un général), réduits à des
animaux stupides (Achbach ronfle comme un cochon), c'est ce qui
s'appelle une revanche sur l'Histoire, le grand travestissement de la
résistance et de l'occupation en un généreux compromis comique.
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