En
1981, Prince chantait à qui voulait l'entendre « Ronnie talk
to Russia before it's too late », apostrophant Reagan sur la
prolifération des armes nucléaires, sa chanson durait à peine deux
minutes. En 1984, Claude Lelouch avait les mêmes préoccupations, il
s'inquiétait de cette résurgence de la guerre froide et livrait
l'un des ses films les plus hallucinants, 105 minutes de pur délire
comme le cinéaste a dû en faire pas mal dans les années 1980, ses
années new age.
Les
premières minutes expriment l'apocalypse qui pourraient arriver chez
nous, puisque Paris est entre Moscou et New York, si ces deux-là ne
s'entendaient pas. Claude Lelouch filme des scènes de foule qui
fuit, c'est plutôt impressionnant. Il s'y décèle la confusion,
l'angoisse, la panique. On pensait que Lelouch était le cinéaste de
l'intime, du couple mais il se débrouille remarquablement avec ces
hordes qui traversent cet ensemble d'immeuble pour se réfugier dans
les abris.
Avant
que les vedettes n'entrent en jeu (il y en a de la star du cinéma
français), Claude Lelouch vient en personne causer dans une
variation de mise en abyme qui sent le ridicule par rapport à cette
séquence d'ouverture qui laissait promettre autre chose. Claude est
interviewé à la radio par Laurent Malet et Martin Lamotte, il
demande à ce qu'on ne révèle rien sur l'intrigue du film, il
demande au spectateur de rentrer candide à la séance.
On
commence à apercevoir Jean-Louis Trintignant (qui croisera
d'ailleurs Anouk Aimée, chabadabada). Il cause cinoche (en vérité,
il imite à la perfection Claude Lelouch). Il fait des vocalise avec
Evelyne Bouix. Ils sont amants et pensent ainsi créer de la poésie
lors des cours de théâtre que Trintignant donne à des élèves
enthousiastes, forcément ce qu'il dit est d'une infinie profondeur
(ah le couplet sur le cinéma d'auteur, Lelouch n'est pas rancunier).
Loin
du théâtre, un homme d'affaires, loin de la ville, une maison
cossue à la campagne. Voici Michel Piccoli qui vit avec Charlotte
Rampling. Elle reçoit un architecte (Ged Marlon) pour installer à
la place de la piscine un abri anti-atomique (1984 ça craignait).
Les domestiques, Charles Gérard et Myriam Boyer, vont et viennent
entre les cuisines et le salon. Viva la vie est un peu le La
Règle du jeu de Claude Lelouch, un Jean Renoir des temps
modernes qui avait tout prévu.
Après
de laborieuses présentations des personnages, après le
développement de la tension vient le cœur du film, la disparition
de deux personnages, celui d'Evelyne Bouix et de Michel Piccoli. Ils
disparaissent trois jours pendant lesquels la vie des autres se voit
bouleversée. Un jour, ils refont surface, demandent à boire des
grands verres d'eau et là, incroyable mais vrai, ils ne se
souviennent de rien, ils pensent que seules cinq minutes se sont
passées depuis.
Sur
l'air d'une chanson de Didier Barbelivien qu'on entend toutes les dix
minutes (c'est dire si on est proche du film d'horreur), Piccoli et
Bouix viennent délivrer le message d'extra-terrestres. Ils vont
venir éradiquer la Terre de ses humains belliqueux. Viva la vie
n'est pas seulement La Règle du jeu mais aussi Rencontres
du troisième type, sans qu'on ne voit jamais les aliens, il
suffit d'imaginer leurs représentants convaincre Michel et Evelyne.
On
croise un inspecteur (Jacques Nolot), un type qui livre du caviar
(Denis Lavant, Viva la vie est sorti la même année que le
premier Léos Carax) et Charles Aznavour en grand ordonnateur de
toute cette histoire fumeuse sur la Paix (qui est Bien), sur la
Guerre (qui est Mal), sur l'Amour (qui est compliqué). Le tout est
un prêchi-prêcha indigeste mâtiné de retournements de situation
mal ficelés, son essai de science fiction française s'écroule
comme un château de sable au bord de mer.
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