« Ecrire
Le Faucon maltais, enregistrer Blue Suede Shoes et jouer à Las
Vegas. » Eddie Ginley (Albert Finney) décrit ce qu'il aimerait
faire dans la vie à son psychiatre. Car ce jour-là quand commence
Gumshoe, il a 31 ans, c'est son anniversaire mais il est seul,
il s'est fait largué par sa femme qui est parti avec son frère.
Alors Eddie Ginley déprime et soliloque dans une voix off ironique
et désopilante qui pose le ton de ce premier film de Stephen Frears.
Le
générique qui suit rapidement cette courte visite chez le psy où
il confesse être un gros raté prolonge ce ton parodique avec des
cartons comme dans un film d'Humphrey Bogart, le modèle de Ginley
qui porte un pardessus et un chapeau mou. L'acteur disparu le 7
février 2019 joue le jeu dans une composition à la fois premier
degré (l'image de marque du détective américain) et au second
degré (les dialogues qui font mouche dans de nombreuses références
aux films noirs classiques).
Seulement
voilà, Eddie vit à Liverpool en 1971 et pas aux Etats-Unis en 1944,
là fait toute la différence mais comme dans Le Grand sommeil, on ne
comprend absolument rien à cette histoire si ce n'est qu'Eddie,
au-delà de plusieurs remarques racistes et misogynes, est balancé
dans un récit que le spectateur découvre en même temps que lui,
personne n'est en avance et à la fin tout est enfin révélé dans
un jubilation communicative.
En
début de film, Eddie présente sa petite annonce qu'il fait paraître
dans un journal. Jusque là il bossait dans un dancing tout
simplement nommé le Broadway, il fait le camelot, annonce les
artistes et lance les numéros du bingo. Le public est très âgé et
le patron Tommy (Billy Dean) truque les photos qui ornent le mur où
il est avec un grand nombre de vedettes, tous les autographes ont la
même écriture. Les murs ressemblent à ces vieux diners
américains.
Effectivement,
il est loin du Faucon maltais. Comme dans le film de John Huston, un
objet est au centre du récit, un pur McGuffin dont plusieurs
personnages veulent s'emparer, dont un tueur à gages moustachu. Il
trouve également sur son chemin une femme fatale nommée Miss
Blankerscoon (Janice Rule), en tout cas elle se comporte comme telle
dans sa voiture de luxe et fumant ses cigarettes fines.
Perdus
dans le récit mais toujours avec la volonté de comprendre, c'est
pour cela que le film va à 100 à l'heure et que Albert Finney est
virevoltant qu'il repasse ses chemises en caleçon ou dans la cuisine
avec son ex-femme Ellen (Billie Whitelaw) en train de s'envoyer l'une
l'autre des piques cinglantes puis éventuellement coucher ensemble
dans un sens de l'humour absurde (faire de son ex-épouse sa
maîtresse) qui rend le film si spirituel.
Tandis
que tout devient plus compliqué, il se dessine la réponse à toutes
les questions posées et cela prend un retournement politique où la
corruption fait surface, où des liens entre l'Afrique du sud et des
hommes d'affaires anglais sont au cœur de l'histoire. Les propos
racistes de Ginley prennent un écho différent et tout le récit se
replie, tout commence à résonner, depuis ce premier coup de
téléphone qui engage Eddie dans cette aventure jusqu'à cette prise
d'otage dans une voiture de luxe.
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