Enfin !
Enfin une film de Pedro Almodovar que je vois sans souffrir devant
l'écran. Quelles que soient les qualités de ses précédents films,
ça ne m'était pas arrivé depuis Tout sur ma mère, 20 ans à
attendre un film où le cinéaste semble baisser la garde sur le tout
mise en scène, disons que la maestria de sa mise en scène est moins
visible, moins repérable, sans doute parce qu'il abandonne enfin la
forme du film noir sans pour autant revenir à la frivolité de ses
comédies passées.
Le
titre me fait penser à un soap opéra, ça me renvoie directement au
premier film de Pedro Almodovar avec Antonio Banderas, La Loi du
désir, c'est ce titre qui donne le nom de la société de
distribution du cinéaste, El Deseo SA, comme si le cinéma
d'Almodovar avait commencé avec ce film de 1986, avec ce jeune
Antonio Banderas qui tombait amoureux d'un cinéaste célèbre auteur
d'un film qui s'appelait Le Paradigme de la moule.
Dans
un mouvement de balancier entre la réalité et la fiction, le
cinéaste évoque cette durée : 32 ans plus tard, le cinéaste
Salvador Mallo (Antonio Banderas) renoue avec son acteur fétiche,
Alberto (Asier Etxeandia). Ils ne s'étaient pas parlé depuis tout
ce temps, ils étaient fâchés. Salvador reprochait à Alberto de
n'avoir pas joué son rôle comme il le voulait, il s'agit là de
savoir dans quel genre ce film des origines aurait pu être classé.
Les
retrouvailles ne sont pas les plus chaleureuses du monde, elles sont
discrètes, presque sinistres parce que le film cherche à s'éloigner
le plus possible du mélodrame dont les deux hommes ne cessent de
parler. Ils en évoquent le sens sans chercher à s'y vautrer. Là
est la plus grande nouveauté de ce nouveau film de Pedro Almodovar,
c'est son calme apparent, ce sont ces personnages qui ne répondent
pas aux stéréotypes habituels de son cinéma.
Alberto
initie Salvador à ce qui le fait tenir depuis tant d'années, il lui
apprend à chevaucher le dragon, métaphore pour évoquer l'héroïne.
Devenir héroïnomane à plus de 50 ans, Salvador prend quelques
bouffées qui lui font du bien, car il est malade de partout, du dos
(on découvre une longue cicatrice dans les premiers plans sous
l'eau), de la tête et surtout du cœur. Salvador est désormais
célibataire et n'aime plus aucun homme.
L'héroïne
a un effet particulier sur Salvador, il se rappelle son passé et
plus particulièrement son enfance. Il revit sa vie de jeune garçon
entouré de sa mère (Penelope Cruz) dans une caverne de Galice où
ils sont obligés de vivre, où les murs de chaux sont d'un blanc
éclatant tous refaits par un ouvrier analphabète. C'est l'Espagne
de jadis où pour réussir un enfant devait entrer au séminaire, ce
que le jeune Salvador craint plus que tout.
Entièrement
tourné vers le passé, Douleur et gloire trace plusieurs
trajets vers les souvenirs. Dans son appartement aux couleurs vives
(Almodovar ne se refait pas sur ce point), Salvador songe à ces murs
blancs, il offre ses souvenirs à Alberto et retrouve Federico
(Leonardo Sbaraglia). Sans en dire plus, le film offre la narration
la plus légère du cinéaste dans ses allers et retours entre les
personnages et leurs passés depuis 20 ans. Oui, enfin !
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