mardi 28 mai 2019

Biélutine (Clément Cogitore, 2011)

Les mains tremblent un peu, mais elles parviennent petit à petit, avec lenteur, à allumer les bougies. L'appartement des Biélutine est bien sombre, il est plongé dans un clair obscur digne des maîtres flamands et ce ne sont pas ces bougies allumées par Nina, l'hôte de Clément Cogitore et de son chef opérateur Sylvain Verdet. Nina Biélutine s'adresse à eux, dans un français primitif au fort accent russe, elle leur parle comme s'ils étaient des invités.

Clément et Sylvain, comme elle les appelle, sont venus filmer ce couple de vieux russes juifs dans leur petit appartement de Moscou. Cet appartement constitue leur univers, Ely, l'époux de Nina clame ne l'avoir jamais quitté et qu'il ne sort jamais. En revanche, les Biélutine reçoivent souvent, ils ont des invités, Ely ou Nina tire le lourd rideau qui masque la porte qui les sépare de l'extérieur, tous s'assoient pour boire et manger.

Comme pour les bougies, les mains tremblent un peu pour servir la vodka, pour découper les gâteaux, pour servir les mets. La table est grande, les convives heureux d'être là, de discuter et au centre de tout cela Ely et Nina qui racontent ce lieu étrange que le jeune cinéaste découvre tant bien que mal. Car les Biélutine vivent dans un musée, le grand-père de Monsieur a pendant des années acheté des toiles de maîtres.

Les murs sont remplis de peinture qui valent des millions et l'ensemble ressemble à un musée secret où seuls quelques privilégiés ont accès. Ce repas est filmé presque en direct et l'ivresse s'empare des hôtes comme des invités. Les Biélutine se dévoilent peut à peu, on apprend par exemple qu'ils sont d'origine italienne et que Monica Belucci est de leur famille. La joie envahit tout ce beau monde tout en révélant que ce monde vit ici ses derniers jours.


Rétrospectivement, Biélutine est le pendant lumineux de Braguino (les deux courts-métrages sont réunis sur un même DVD), deux visions absolument opposées de la Russie d'aujourd'hui. Une Russie fermée, paranoïaque, dégénérée, celle de Braguino filmée en extérieurs, en pleine lumière, une Russie ouverte, éclairée et cultivée, celle de Biélutine filmée en intérieur, en pleine obscurité. L'art distingué de Clément Cogitore est dans ce simple contraste.















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