samedi 11 mai 2019

Des oiseaux petits et grands (Pier Paolo Pasolini, 1966)

Le corbeau est un intellectuel de gauche entend-on au milieu du film, histoire de rappeler le délire dans lequel se love Pier Paolo Pasolini dans son film le plus drôle. Car oui, Pier Paolo Pasolini peut faire rire et Uccellacci et uccellini est très amusant, souvent cocasse et un brin burlesque. C'est grâce à ce duo que Toto forme avec Ninetto Davolli. Les deux hommes qui se présentent comme un père et son fils traversent quelques paysages désolés de l'Italie du début des années 1960, un période d'intense chamboulement.

Le film joue sur deux tableaux opposés, la fable et le réalisme. Ce réalisme est présent dans sa première partie quand Toto et Ninetto passent dans des villages d'une grande pauvreté. Pasolini filme au plus près les visages dans un effet documentaire saisissant parce qu'il dresse un portrait d'une Italie qui semble figée dans la pauvreté, or ces indigents vivent au milieu d'une urbanité débordante et envahissante, des immeubles modernes, des grands ponts mais qui sont inachevés, pour tout dire laissés à l'abandon comme la population.

La fable elle, commence dès le générique avec une chanson comme une ballade médiévale, où les personnages sont annoncés comme des héros en les décrivant (Toto le doux, Toto le magnifique Toto, Toto le fou Toto). L'ancien et le nouveau, voilà comment pourrait-on décrire les deux hommes, Toto en costume, chapeau claque, canne comme Charlot, Ninetto en jeans, col roulé et veste d'université américaine, ce dernier va d'ailleurs danser sur du yéyé devant un bar aux enseignes et publicités en anglais.

« Où va l'humanité ? Bof ! » dit une carton, parait-il une citation de Mao Tsé-toung. L'époque est au maoïsme, au grand choc chinois, à la révolution culturelle, pas dans le cinéma de Pier Paolo Pasolini mais chez ses confrères ça vrille intello marxo spontex pur et dur, chez Marco Bellocchio et Bernardo Bertolucci ça carbure au militantisme primaire. Des oiseaux petits et grands se fout bien de la gueule de cette manière de cinéma et c'est le corbeau qui débite toute un tas de sornettes politiques qui aujourd'hui sont terrifiantes et hilarantes.

Les films de Pier Paolo Pasolini ont souvent fonctionné en trilogie, Des oiseaux petits et grands est le troisième volet d'une trilogie sur le catholicisme après La Ricotta et L'Evangile selon Mathieu. Ici, Toto et Ninetto sont plongés en plein moyen-âge et côtoient Saint-François d'Assise, lors qui parlaient aux oiseaux. Ils sont deux moines e t le plus âgé va passer plusieurs saisons à genoux pour évangéliser d'abord les faucons puis les moineaux.

Cette longue digression au milieu des pérégrinations des deux Italiens, ce voyage dans le temps est l'occasion de prendre l'exact contre-pied de L'Evangile selon Mathieu, film ô combien sérieux et au ton insupportablement pontifiant. Toto et Ninetto dans cet interlude sont deux clowns ridicules et le cinéaste les filme comme dans un cartoon américain (accélérés, gags énormes, jeu du chat et de la souris), le film exprime une certaine désillusion et critique l'aspect mercantile de la religion catholique (Toto chasse les marchands du temple).


Passé cette incartade chez François d'Assise, le film se lance dans une recherche de la trivialité avec deux séquences qui se suivent. Dans la première Toto cherche à faire caca et se fait chasser par les paysans du terrain où il fait ses besoins. Dans la seconde, les deux hommes croisent une jolie jeune femme et vont, chacun à leur tour, batifoler dans le champ de maïs. Ils finissent en beauté, agacés par les leçons de morale du corbeau, ils décident de l'attraper et de l'embrocher. Ils avaient faim, voilà tout après avoir séduit la jeune femme.






























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