Le
corbeau est un intellectuel de gauche entend-on au milieu du film,
histoire de rappeler le délire dans lequel se love Pier Paolo
Pasolini dans son film le plus drôle. Car oui, Pier Paolo Pasolini
peut faire rire et Uccellacci et uccellini est très amusant,
souvent cocasse et un brin burlesque. C'est grâce à ce duo que Toto
forme avec Ninetto Davolli. Les deux hommes qui se présentent comme
un père et son fils traversent quelques paysages désolés de
l'Italie du début des années 1960, un période d'intense
chamboulement.
Le
film joue sur deux tableaux opposés, la fable et le réalisme. Ce
réalisme est présent dans sa première partie quand Toto et Ninetto
passent dans des villages d'une grande pauvreté. Pasolini filme au
plus près les visages dans un effet documentaire saisissant parce
qu'il dresse un portrait d'une Italie qui semble figée dans la
pauvreté, or ces indigents vivent au milieu d'une urbanité
débordante et envahissante, des immeubles modernes, des grands ponts
mais qui sont inachevés, pour tout dire laissés à l'abandon comme
la population.
La
fable elle, commence dès le générique avec une chanson comme une
ballade médiévale, où les personnages sont annoncés comme des
héros en les décrivant (Toto le doux, Toto le magnifique Toto, Toto
le fou Toto). L'ancien et le nouveau, voilà comment pourrait-on
décrire les deux hommes, Toto en costume, chapeau claque, canne
comme Charlot, Ninetto en jeans, col roulé et veste d'université
américaine, ce dernier va d'ailleurs danser sur du yéyé devant un
bar aux enseignes et publicités en anglais.
« Où
va l'humanité ? Bof ! » dit une carton, parait-il
une citation de Mao Tsé-toung. L'époque est au maoïsme, au grand
choc chinois, à la révolution culturelle, pas dans le cinéma de
Pier Paolo Pasolini mais chez ses confrères ça vrille intello marxo
spontex pur et dur, chez Marco Bellocchio et Bernardo Bertolucci ça
carbure au militantisme primaire. Des oiseaux petits et grands se
fout bien de la gueule de cette manière de cinéma et c'est le
corbeau qui débite toute un tas de sornettes politiques qui
aujourd'hui sont terrifiantes et hilarantes.
Les
films de Pier Paolo Pasolini ont souvent fonctionné en trilogie, Des
oiseaux petits et grands est le troisième volet d'une trilogie sur
le catholicisme après La Ricotta et L'Evangile selon Mathieu. Ici,
Toto et Ninetto sont plongés en plein moyen-âge et côtoient
Saint-François d'Assise, lors qui parlaient aux oiseaux. Ils sont
deux moines e t le plus âgé va passer plusieurs saisons à genoux
pour évangéliser d'abord les faucons puis les moineaux.
Cette
longue digression au milieu des pérégrinations des deux Italiens,
ce voyage dans le temps est l'occasion de prendre l'exact contre-pied
de L'Evangile selon Mathieu, film ô combien sérieux et au ton
insupportablement pontifiant. Toto et Ninetto dans cet interlude sont
deux clowns ridicules et le cinéaste les filme comme dans un cartoon
américain (accélérés, gags énormes, jeu du chat et de la
souris), le film exprime une certaine désillusion et critique
l'aspect mercantile de la religion catholique (Toto chasse les
marchands du temple).
Passé
cette incartade chez François d'Assise, le film se lance dans une
recherche de la trivialité avec deux séquences qui se suivent. Dans
la première Toto cherche à faire caca et se fait chasser par les
paysans du terrain où il fait ses besoins. Dans la seconde, les deux
hommes croisent une jolie jeune femme et vont, chacun à leur tour,
batifoler dans le champ de maïs. Ils finissent en beauté, agacés
par les leçons de morale du corbeau, ils décident de l'attraper et
de l'embrocher. Ils avaient faim, voilà tout après avoir séduit la
jeune femme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire