Tout
part d'un rituel donné comme un moyen d'entrer dans ce clan, cette
communauté, ce cercle que dirige Jessica. Un jeune homme perdu, un
sauvageon a été recueilli et chaque membre vient poser devant lui
un objet, signe de reconnaissance et symbole matériel de leur
appartenance. Cet objet caractérise chacun d'entre eux. Le duo de
cinéaste prend son temps pour cette séquence inaugurale, champ un
objet, contrechamp un personnage, d'autant qu'atour de Jessica se
trouvent un bon paquet de jeunes hommes.
Le
film cherche délibérément à ne pas raconter d'emblée les
rapports entre les garçons et Jessica. Ils sont tous bien fait de
leur personne, plutôt baraqués, l'air un peu stupide comme les
militaires peuvent souvent le laisser paraître, toujours plus
rapides à dégainer qu'à réfléchir. D'ailleurs même à l'issue
du film, rien n'est vraiment certain sur ce qui les a amené à
s'unir derrière cette femme brune. Cela fait partie du mystère
indissociable de l'atmosphère de film de guerre en mode low fi,
l'inverse du tout technologique.
En
ce sens, Jessica forever cherche à suggérer plus qu'à
montrer. Dans cette idée, tout est filmé dans un seul lieu, une
vaste maison de campagne dans une région ensoleillée. Une maison
choisie dans un lotissement isolé après avoir subi une attaque de
drones. Ce sera pendant une bonne partie du film l'unique signe de
l'extérieur. Le film reste dans un monde restreint où rien de
l'extérieur n'a de prise sur les garçons, sur ces soldats à
l'uniforme noir contrastant avec le soleil, la verdure et l'eau dans
laquelle il se baigne.
Le
rituel du début de film se réitère en mi-temps avec cette fois des
cadeaux qu'offre Jessica à tous ses hommes. Mais rien ne semble déjà
plus aller à partir du moment où le vrai monde frappe à leur porte
avec la venue d'une jeune femme, avec une soirée dans une maison. Le
ton reste le même, éthéré dans sa manière toute bressonnienne de
rester du côté de l'effleurement, de préférer les moments de
creux comme dans la forme de Jacques Rivette. Le cinéma d'action
français est un défi qui est sans cesse relevé mais c'est pas
encore ici qu'il est achevé.
Par
rapport à leur court-métrage After
school knight fight sorti
dans le film Ultre rêve avec
les courts de Yann Gonzalez et Bertrand Mandico en août 2018,
Jonathan Vinel et Caroline Poggi ont un peu du mal à surprendre et
en comparaison des longs récents des deux cinéastes cités plus
haut, Un couteau dans le cœur
et Les Garçons sauvages,
le film pâtit d'une absence de corps en marge, d'une hétérogénéité
et même d'une sensualité de la peau, à moins que comme dans ce
court-métrage c'est justement cette absence qui fait la singularité
de leur film.
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