mercredi 1 mai 2019

Jessica forever (Caroline Poggi & Jonathan Vinel, 2018)


Tout part d'un rituel donné comme un moyen d'entrer dans ce clan, cette communauté, ce cercle que dirige Jessica. Un jeune homme perdu, un sauvageon a été recueilli et chaque membre vient poser devant lui un objet, signe de reconnaissance et symbole matériel de leur appartenance. Cet objet caractérise chacun d'entre eux. Le duo de cinéaste prend son temps pour cette séquence inaugurale, champ un objet, contrechamp un personnage, d'autant qu'atour de Jessica se trouvent un bon paquet de jeunes hommes.

Le film cherche délibérément à ne pas raconter d'emblée les rapports entre les garçons et Jessica. Ils sont tous bien fait de leur personne, plutôt baraqués, l'air un peu stupide comme les militaires peuvent souvent le laisser paraître, toujours plus rapides à dégainer qu'à réfléchir. D'ailleurs même à l'issue du film, rien n'est vraiment certain sur ce qui les a amené à s'unir derrière cette femme brune. Cela fait partie du mystère indissociable de l'atmosphère de film de guerre en mode low fi, l'inverse du tout technologique.

En ce sens, Jessica forever cherche à suggérer plus qu'à montrer. Dans cette idée, tout est filmé dans un seul lieu, une vaste maison de campagne dans une région ensoleillée. Une maison choisie dans un lotissement isolé après avoir subi une attaque de drones. Ce sera pendant une bonne partie du film l'unique signe de l'extérieur. Le film reste dans un monde restreint où rien de l'extérieur n'a de prise sur les garçons, sur ces soldats à l'uniforme noir contrastant avec le soleil, la verdure et l'eau dans laquelle il se baigne.

Le rituel du début de film se réitère en mi-temps avec cette fois des cadeaux qu'offre Jessica à tous ses hommes. Mais rien ne semble déjà plus aller à partir du moment où le vrai monde frappe à leur porte avec la venue d'une jeune femme, avec une soirée dans une maison. Le ton reste le même, éthéré dans sa manière toute bressonnienne de rester du côté de l'effleurement, de préférer les moments de creux comme dans la forme de Jacques Rivette. Le cinéma d'action français est un défi qui est sans cesse relevé mais c'est pas encore ici qu'il est achevé.

Par rapport à leur court-métrage After school knight fight sorti dans le film Ultre rêve avec les courts de Yann Gonzalez et Bertrand Mandico en août 2018, Jonathan Vinel et Caroline Poggi ont un peu du mal à surprendre et en comparaison des longs récents des deux cinéastes cités plus haut, Un couteau dans le cœur et Les Garçons sauvages, le film pâtit d'une absence de corps en marge, d'une hétérogénéité et même d'une sensualité de la peau, à moins que comme dans ce court-métrage c'est justement cette absence qui fait la singularité de leur film.

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