vendredi 30 novembre 2018

J'ai aussi regardé ces films en novembre


Amanda (Mikhaël Hers, 2018)
Comme souvent dans les films où l'on sait qu'un événement grave va survenir, ici un attentat qui met fin à la vie de la maman d'Amanda, comme en 2001 la mort du fils dans La Chambre du fils de Nanni Moretti, il ne se passe rien tant que cette mort n'est pas inscrite dans la fiction. Il faut attendre donc 25 bonnes minutes où Mikhaël Hers déploie sa chronique intime de la vie de David, le personnage de Vincent Lacoste. Précarité sociale, vie amoureuse chaotique, vie familiale peu enviable. Mais le cinéaste a un sens inouï du détail dans ses trajets cyclistes dans Paris (ces statues des parcs qu'il filme subtilement), des dialogues (plutôt que dire qu'il est l'oncle d'Amanda, il dit être le frère de sa sœur) et une pudeur rare. Deux scènes touchent particulièrement, celle de la découverte de l'attentat par David et l'annonce en pleine Gare de Lyon de la mort de sa sœur à une vieille connaissance qui l'ignorait. Vincent Lacoste est encore une fois formidable, troisième film réussi cette année après Plaire aimer et courir vite puis Première année. L'acteur français de l'année 2018.

Suspiria (Luca Guadagnino, 2018)
Comme je le pensais dans mon texte sur le Suspiria de Dario Argento, cette nouvelle version devrait être très explicative. Effectivement, tout est centré sur la psychologie quand Argento basait tout sur la forme. Luca Guadagnino débute son film par une visite chez un psy (paraît il joué par Tilda Swinton, même le générique le cache) et tous ce qui arrive aux personnages est psychologique comme dans un film des années 1960. Ce Suspiria n’est pas un remake de celui de 1977 même si le générique l'affirme, le seul élément du film de Dario Argento est cette école de danse en Allemagne tenue par des sorcières. La beauté fulgurante était contenue dans les meurtres d'une inventivité démentielle. Ici la mise à mort par la danse dans une pièce remplie de miroirs est la seule chose originale. Le film dure 2h30 et des poussières, autant dire que rien n'est fait dans la légèreté. L'arrivée de Jessica Harper dans le rôle de l'amour de jeunesse du vieux psychiatre finit par faire sombrer le film dans le nanar grandiloquent. Suspiria rappelle dans sa volonté de faire un remake inversé de l'original (comme on parle d'image positive et négative dans la pellicule) deux tentatives ratées, le Breathless de Jim McBride et le Cat people de Paul Schrader

Les Veuves (Steve McQueen, 2018)
le cinéaste anglais a pu un moment faire illusion (je pense à Hunger où il filmait littéralement la merde) mais ses deux films suivants l'horrible Shame et 12 years a slave montraient sa propension à un moralisme édifiant. Les Veuves entre dans la catégorie « mes actrices font la gueule », un genre de cinéma censé plaire à l'Académie des Oscars (Viola Davis va encore être nominée, tu vas voir) mais question récit la surenchère de twists scénaristiques incohérents masquent difficilement une incapacité totale du cinéaste à maintenir un soupçon de suspense. En partant dans toutes les directions (on roule beaucoup dans Les Veuves et dans à peu près tous les véhicules), le spectateur n'a jamais le temps de se poser et d'avoir peur pour ce quarteron de femmes de Chicago.

Mauvaises herbes (Kheiron, 2018)
J'avais écrit du bien sur le premier film de Kheiron (Nous 3 ou rien) et bien je suis content que son deuxième film non seulement change totalement de sujet mais en plus qu'il soit réussi. Ce qui est le plus amusant dans ce film double est le duo formé par Kheiron et Catherine Deneuve qui parvient, encore une fois, à se renouveler. Elle est très drôle en religieuse loufoque et marginale, pour le dire vite, c'est un personnage digne d'un film de Jean-Pierre Mocky. Le jeu plat de Kheiron est à contre-courant de tout ce qui se fait dans la comédie française actuelle (ou dans le film comique, de Kev' Adams à Manu Payet en passant par Frank Gastambide), tout comme ces six jeunes gens qu'il doit surveiller où il retourne tous les clichés. Hélas, quelques scènes sont malvenues (le personnage de flic ripou d'Alban Lenoir) et les flash-back au Liban s'ils sont nécessaires manquent parfois de savoir-faire. Vivement le troisième film.

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