En
octobre, on fêtait les 40 ans de La Nuit des masques,
désormais uniquement appelé Halloween (ressortie du film et
remake produit par Carpenter), en novembre on aurait pu célébrer
les 30 ans de la sortie de Invasion Los Angeles, qui fait
aussi un retour dans les salles de cinéma. J'avais vu le film à la
télé, sans doute doublé en français, c’est ma première sur
grand écran. Voir cette charge anti libérale prend aujourd'hui une
certaine ironie. Par un retour de bâton du consumérisme exacerbé,
tout un tas d'objets surtout des t-shirts sont vendus avec le mot
Obey.
Récit linéaire, décors naturels et aucune vedette, John Carpenter n'a pas le choix après le bide commercial de Jack Burton de revenir à la série. On imagine très bien que Kurt Russell aurait pu jouer ce Nada qu'interprète Roddy Piper, même physique, même coupe de cheveux mais pas le même jeu d'acteur, loin de là. Ça pique un peu les oreilles et les yeux, mais bon, ce n'est pas pour rien qu'il s'appelle Nada, rien en espagnol (d'ailleurs, on n'entend jamais son nom et encore moins son prénom sauf erreur, j'ai découvert le patronyme de son personnage en lisant le générique de fin).
On
ne saura rien du passé de notre baroudeur à chemise à carreaux.
Son sac à dos est le seul signe de sa vie passée. Pas de
psychologie, que des images et de l'action. Ainsi ce qu'on remarque
dans les premiers plans où il traverse des quartiers en friche
(voies ferrées, immeuble en construction, terrains vagues), c'est
qu'il pleut. De la pluie dans la cité des anges où il ne pleut
jamais, raison pour laquelle on a fabriqué Hollywood. Mais chez
Carpenter, il pleut à Los Angeles, comme pour déjà marquer dès le
générique le dérèglement des sens.
Cela
aurait pu se passer dans des quartiers pauvres de New York, le Bronx
ou le nord de Manhattan, à l'époque où New York était un coupe
gorge, mais John Carpenter n'aurait pas pu filer la métaphore sur le
cinéma, passer des images en couleurs (disons ces séquences dans le
bidonville, dans le chantier, plutôt réalistes) au noir et blanc
(la série B dans une science-fiction paranoïaque et violente),
c'est comme passer d'un gros budget à un cinéma économique. Le
tout en chevauchant des lunettes de soleil que Nada a trouvées dans
une église.
Il
ne s'agit pas de foi (Dieu merci) mais au milieu de ce bidonville où
Nada s'est fait quelques amis dont Frank (Keith David), rencontré
sur le chantier), une église est le centre de la résistance. La
télé est toujours allumée, délivrant ses pubs et ses news (ça ne
s'est pas amélioré en 30 ans), les visages restent sans réaction
aucune sauf quand le canal se fait pirater et qu'un barbu commence,
entre deux grésillements et quelques nuages dignes de Poltergeist
à inciter les gens à fermer leur télé. Un prédicateur, Nada en a
déjà croisé un plus tôt.
Dans
les deux cas, la police débarque pour faire taire toute sédition.
La bidonville est détruit, Nada se réfugie dans l'église et
découvre un carton plein de lunettes. Il en chausse un paire et
découvre ce que les prédicateurs décrivaient. Jusqu'à présent,
Nada était aveugle mais avec ces lunettes – qui le font ressembler
à un aveugle, d'autant que son jeu expressionniste en rajoute – il
voit enfin l'univers tel qu'il est vraiment. C'est un monde en noir
et blanc où tout est remplacé par des slogans impératifs prônant
l'obéissance, la consommation et le conformisme. Bienvenue dans
l'Amérique de Ronald Reagan.
Seulement
voilà, Nada ne veut pas être le seul à voir la vérité. Il la
partage certes avec le spectateur dans un mouvement de balancier
simple avec lequel John Carpenter joue comme dans une comédie
horrifique. Il veut que Frank découvre cette vérité. Cela passe
par un combat de rue, du catch comme Roddy Piper sait en faire (oui,
il était catcheur). Une bonne grosse baston de 7 minutes où Nada
force Frank à porter les lunettes alors que ce dernier refuse tout
net. Nada veut le dessiller à grands coups de poing et d’œil au
beurre noir.
Nada
a besoin d'un allié pour combattre ceux qu'il voit avec ces
lunettes, des « ghouls » comme le dit le générique
final, des extra-terrestres venus d'une galaxie lointaine (Alpha 10,
rien que ça) et qui ressemblent à des squelettes. La description de
la collusion entre les possédants et ces aliens tient de la
collaboration. Le sous-terrain où Nada et Frank se rendent, les
quartiers généraux de tout ce laid monde, est donné sur un ton de
comédie quasi burlesque avec un guide fier de montrer le niveau de
collaboration (dans le sens collabo de guerre).
Avant
que Nada ne convainque Frank avec des arguments massue de rejoindre
la résistance, il avait essayer d'enrôler Holly Thompson (Meg
Foster), une belle blonde qu'il prend presque en otage. Holly
travaille justement à Cable 54, l'organe officiel du mensonge, le
fabricant de ces filtres et de ces messages subliminaux. Pour
indiquer son dégoût de la télévision qui nivelle tout par le bas,
il fait causer un chroniqueur : « toute cette violence sur
les écrans, on en a assez, ces réalisateurs comme George Romero ou
John Carpenter devraient faire preuve de retenue ».
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